Jonathan Kluger se penche sur la folie du selfie

Jonathan Kluger se penche sur la folie du selfie

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Culte du moi

Au cours de ses nombreux voyages, Jonathan a remarqué que lorsque l’on se balade dans les rues des grandes métropoles, peu importe lesquelles, on se retrouve toujours confronté à des dizaines et des centaines de personnes agglutinées devant les monuments, les œuvres d’art et autres ruines mythiques. Elles se bousculent pour immortaliser ce moment mais surtout pour lever les bras à l’unisson et se prendre en photo elles-mêmes. Il nous explique :

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“Cette série immortalise le moment fatidique du selfie. Ce qu’il ne montre pas, c’est l’avant et l’après. Et c’est ce qui m’a fasciné. Les sujets se présentent sur le lieu préalablement choisi, tournent le dos au décor, prennent leur cliché et s’en vont. Le paysage en lui-même perd alors tout son sens et son intérêt.”

Tourner le dos au paysage, c’est un peu le leitmotiv des accros au selfie. On a vu la même chose se produire cette semaine avec Hillary Clinton, à qui ses partisans tournaient le dos de manière à prendre un selfie avec la candidate démocrate en fond. Le selfie est un acte narcissique qui vous fait passer à côté des choses qui se déroulent autour de vous. Jonathan ajoute : “Et même lorsque je me plantais devant eux pour prendre ma photo, ils ne me voyaient pas.”
Finalement, peu importe le paysage qui défile devant leurs yeux, les touristes n’y jettent qu’un bref coup d’œil avant de penser à leur angle de prise de vue et à quel point leur bras peut se déplier pour prendre suffisamment de hauteur. L’important, ça n’est pas le monument ou les ruines romaines, c’est leur propre image. Le reste est interchangeable.
Il semblerait qu’aujourd’hui montrer qu’on y était soit plus important que d’y avoir vraiment été. Jonathan poursuit :

“Le selfie réduit le corpus à des portraits solitaires. Il est l’antithèse de la composition photographique. Le regard ne se pose plus, les rêveries ne vagabondent plus sur les paysages. Je me suis approprié leur image, comme eux se sont approprié le décor.”