Le quotidien d’un gang de Brooklyn dans les années 50 immortalisé par Bruce Davidson

Le quotidien d’un gang de Brooklyn dans les années 50 immortalisé par Bruce Davidson

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

“Ils étaient pauvres, ils étaient malheureux, ils étaient violents, ils étaient sexuels, ils étaient pleins de vie.” Bruce Davidson raconte l’histoire derrière les photos de sa série Brooklyn Gang.

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New York, 1959. Le photographe Bruce Davidson, à l’époque âgé de 25 ans, s’infiltre dans une bande d’adolescents de Brooklyn afin d’immortaliser leur quotidien et leurs états d’âme. Pour le Time, Bruce Davidson s’est confié dans une vidéo (ci-dessous) sur son expérience, au moment où il a croisé le chemin de ces jeunes nourris par l’urgence de vivre, la mélancolie et leur énergie.

Ces ados avaient un gang, ils se faisaient appeler “Les Jokers”. Bruce Davidson a appris leur existence grâce à un article de magazine dans lequel il était écrit qu’ils se blessaient souvent et qu’ils avaient beaucoup de bandages. Il décide alors de les rencontrer pour prendre en photo leurs blessures, en couleurs. Mais pour figer à tout jamais l’histoire et la vie de ce gang, il a préféré le noir et blanc.

Souvenirs d’un gang et d’un été à Brooklyn

“Ce qui est important pour moi, c’est la prochaine photo, la photo que je n’ai pas encore prise”, confie Davidson. En regardant ses images, on se dit que ce gang cristallisait la notion de cool des années 1950. Jeunes et infatigables, ces ados bronzaient, fumaient et souffraient tous ensemble pour tromper l’ennui, le temps d’un été caniculaire partagé avec un jeune photographe.

À la recherche de moments de solitude et d’amour, Bruce considère aujourd’hui ces jeunes comme ses enfants. Il les comprenait, à travers ses photos : “J’avais 25-26 ans, donc je me mélangeais très bien à eux, raconte-t-il au Time. J’étais maigre, j’étais calme et je n’étais pas agressif pour un sou.” Dans la vidéo, il raconte son expérience au contact de ces jeunes :

“Ils étaient pauvres, ils étaient malheureux, ils étaient violents, ils étaient sexuels, ils étaient pleins de vie. Ils avaient besoin de photos d’eux-mêmes, de s’observer en train de vivre et d’être vus. Tout le monde a besoin d’être vu. J’ai pu prendre des photos importantes car j’étais au plus près d’eux et pendant longtemps.

Tous les jours, j’allais à Brooklyn, ils m’autorisaient à être au milieu d’eux et à sortir avec eux. Mais c’était avant que la drogue ne débarque dans leur vie. J’ai pu voir, de mes yeux, la réalité, à quel point les familles étaient pauvres dans cette partie de Brooklyn. Il n’y avait rien pour les classes ouvrières. Il y avait de l’alcoolisme, et plus tard, de la drogue.

Ce n’est pas tant autour d’un ‘gang’, car ce n’est qu’un mot. Mon travail se concentre sur une idée universelle, que tous les ados et plus généralement, toutes les personnes, peuvent connaître : le sentiment d’isolation, de dépression, de la vie elle-même. C’est ça, le sujet de mes photos.”

Soixante ans plus tard, les images restent intemporelles et toujours aussi authentiques. Notre jeunesse n’était peut-être pas aussi cool que la leur, mais on peut se retrouver dans leur désolation adolescente, dans leur passion brute et dans leur fougue amoureuse.