Planche(s) contact 2017 : coup de cœur pour trois jeunes photographes à suivre

Planche(s) contact 2017 : coup de cœur pour trois jeunes photographes à suivre

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Cinq jeunes photographes à la carrière prometteuse et montante ont été exposés au festival Planche(s) contact dans le cadre de leur “Templin Jeunes Talents”. De ces cinq talents, nous en avons retenu trois, parmi lesquels figure la gagnante de cette édition : Felicia Simion.

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À Deauville, se tient pour la 8e année le festival de photographie Planche(s) contact, jusqu’au 26 novembre 2017. Des photographes, locaux ou internationaux, sont invités chaque année pour offrir différentes interprétations de la ville. Cette année, le thème principal est la plage de Deauville, qu’on retrouve de près ou de loin dans toutes les expositions.

Le premier “Tremplin Jeunes Talents” a été organisé par la fondation Louis Roederer, avec le festival et l’ambition de mettre en avant le travail de jeunes artistes. À la salle des fêtes de Deauville, sont regroupés cinq photographes (sélectionnés parmi une centaine de candidatures) : Betty Bogaert, Julien Malabry, Nyima Marin, Yoann Olawinski et Felicia Simion. Pendant la visite, nos yeux se sont posés et arrêtés sur les trois derniers cités.

En mai et juin dernier, ces jeunes photographes ont vécu ensemble dans une maison à Deauville pour réaliser les séries exposées par la suite au festival, en octobre. Ce week-end, la jeune photographe roumaine Felicia Simion a remporté le premier prix pour sa série Not from here.

Felicia Simion : se sentir étrangère

Âgée de 22 ans et benjamine du festival, Felicia Simion vient de remporter le prix “Tremplin Jeunes Talents”. Elle sera récompensée de 3 000 €, et de deux invitations à résidence, à Reims chez Louis Roederer et à Deauville pour être exposée en 2018 lors de la 9e édition de Planche(s) contact. Entre photographie et performance, sa série Not from here s’intéresse à l’intégration dans le paysage et dans une culture lorsqu’on arrive dans un pays en tant qu’étranger :

“Pendant deux semaines, je n’ai pu m’empêcher de m’interroger sur les sentiments qui accompagnaient mes différentes rencontres avec l’inconnu – de l’indiscrétion, du questionnement et d’un besoin irrépressible et intense de m’adapter à l’inquiétude et au sentiment de non-appartenance.

J’ai dû porter un costume pour me métamorphoser en étranger, c’est comme un symbole de cette condition : quand vous débarquez dans un endroit, et que vous ne connaissez personne, vous vous sentez invisible mais en même temps, étant donné que vous êtes différent, vous êtes visible.

La nuit, Deauville devient un lieu mystérieux dans lequel je m’immerge en tant que photographe, mais durant l’après-midi, je visitais des spots comme une touriste. Je n’ai jamais expérimenté ces deux conditions simultanément dans une ville.”

En arrivant en France, et plus précisément à Deauville pour sa résidence en juin dernier aux côtés des autres jeunes photographes, Felicia Simion se sentait étrangère : “Étais-je une touriste ? Étais-je une artiste ? Tout ce que je savais, c’est que je n’étais pas d’ici”. C’est ce sentiment qui a nourri sa série pour le festival Planche(s) contact, ainsi qu’un souvenir : elle s’est rappelé un cliché de ses parents en vacances sur la plage de la mer Noire qu’elle a pris lorsqu’elle avait 13 ans. Sur un fond personnel et autobiographique, entre douce nostalgie et romantisme, sensibilité et féminité, elle souhaite revivre et transposer ce souvenir familial, 18 ans plus tard, à l’autre bout de l’Europe“, peut-on lire dans la brochure du festival.

Avec brio, elle dote ses autoportraits d’une touche de surréalisme, et inscrit la performance dans une démarche documentaire. La force visuelle de ses photos réside dans l’attention qu’elle porte à la symétrie, la composition, le décor et les costumes. Ainsi, une silhouette étrange qu’elle incarne est mise en scène dans un costume à damier ou rouge, et se fond dans les paysages variés de Deauville : les maisons, l’orphelinat, la plage, le toit de la piscine olympique, des parcs et autres lieux incontournables. De cette manière, elle s’intègre dans l’architecture de la ville :

“À travers ma ‘seconde peau’, je ne pouvais que voir partiellement, comme à travers un voile, les visages des personnes qui passaient devant moi, certaines souriant, me voyant comme une artiste et d’autres, particulièrement la foule, simplement absorbées par leurs pensées.

Les costumes me rendaient à la fois visible et invisible ; j’étais remarquée parce que je portais des costumes remarquables, pourtant personne ne pouvait voir au-delà de mon enveloppe opaque qui ne laissait aucune place aux particularités.”

Nyima Marin : l’océan qui envahit la ville

Né en Grèce mais vivant à Paris, le photographe Nyima Marin a livré une série poétique et onirique, intitulée Le Souvenir des marins. Il a photographié différents endroits de Deauville en posant un filtre bleu devant son objectif pour un rendu fantomatique sur chaque cliché.

Dans une vidéo, il explique : “J’avais envie de travailler sur la couleur et le filtre bleu était une façon de tenir la réalité à distance. Cela donnait lieu à l’envie de créer une série comme si l’océan avait envahi la ville”. Les reflets blancs de la lumière sur le plastique souple de son filtre ajoutent une dimension magique et insaisissable à l’image. À cela, il ajoute un poème :

“Un peu avant l’été,
Pendant que les chevaux courent et que les moteurs rugissent
Il y a toujours ce silence étrange dans l’air
Ce fracas imperceptible des vagues qui se cabrent et avancent
Dans un mouvement continu, le jour comme la nuit
Inondant les rues d’un bleu profond comme l’océan
Je pense à cette ville, aux personnes qui y vivent
À tout ce faste, à ces bêtes sauvages
Je pense à ces marins morts en mer
À ces insomniaques orphelines
Je pense à ce qu’il reste de ces choses-là
À ce qu’il restera de ces journées printanières
De ces nuits ensoleillées, où l’on oublie tout
Et je me rappelle qu’ici je ne suis que de passage
Comme ces souvenirs, emportés
Par les rêves et les marées”

Yoann Olawinski : la jeunesse de Deauville mise à l’honneur

Nous avions déjà parlé de ses envies de voyages et de parcourir la France. Avec Jusqu’à la mer, après laquelle il faut courir, le photographe Yoann Olawinski, âgé de 24 ans, a voulu mettre en avant la jeunesse deauvillaise, qu’on connaît finalement très peu. On a l’habitude de voir le Deauville touristique, le Deauville fait de casino, seniors et maisons secondaires. Mais Yoann a été à la rencontre des jeunes qui vivent là-bas toute l’année :

“L’évocation de Deauville suscite les fantasmes et stimule les imaginations. La fureur du jeu et des courses, le luxe des belles boutiques ; déjà, dans nos esprits, apparaissent les voitures de sport rutilantes des vieux beaux du week-end devant les brasseries et les hôtels de ville.

Les jeunes de la région deauvillaise, eux, se réunissent au café de Paris, au Bureau, à l’En-Cas, au Pom’s, devant la piscine olympique, sur la plage, au parc de loisirs à l’intérieur de la boucle formée par la rivière morte, devant les lycées André Maurois et Saint-Joseph, et à l’espace multisports situé entre les immeubles de résidences secondaires des planches”, déclare-t-il.

En partageant leur quotidien, il les a photographiés dans des couleurs douces et des lumières pastel. Il a posé chaque portrait en diptyque avec quelque chose qui, en regard, caractérise la personne qu’il a rencontrée : un aperçu d’une étagère de sa chambre, un endroit où elle va souvent, un objet qui lui est cher…

Exposition “Tremplin Jeunes Talents”, au festival Planche(s) contact, à Deauville (à la salle des fêtes), jusqu’au 26 novembre 2017.