Le comité Pulitzer a élu ses vainqueurs pour les catégories photo

Le comité Pulitzer a élu ses vainqueurs pour les catégories photo

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Par Lise Lanot

Publié le

Ce lundi 10 avril, les lauréats des prestigieux prix Pulitzer, saluant l’excellence dans les domaines du journalisme, de la littérature et de la composition musicale, ont été annoncés. Focus sur les récompenses consacrées au photojournalisme.

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En 1917, l’éditeur de presse hongro-américain Joseph Pulitzer donne son nom à des prix. Les prix Pulitzer récompensent en 21 catégories les hommes et les femmes qui se sont illustrés dans les domaines de la littérature (autobiographie, fiction, poésie) et la musique, mais aussi du travail journalistique, allant de la caricature satirique aux reportages sur des affaires locales, nationales et internationales.

La transmission d’informations ne passant pas seulement par les mots, le prix Pulitzer récompense également des reportages photographiques, avec les prix de la photo d’actualité (breaking news photography) et de la photographie d’article de fond (feature photography).

Prix de la photo d’actualité pour un sujet sur les victimes de la lutte anti-drogues aux Philippines

They Are Slaughtering Us Like Animals, pour le New York Times par Daniel Berehulak, gagnant du prix Pulitzer pour la photo d’actualité.

C’est Daniel Berehulak, un photographe australien basé à Mexico, qui a remporté le prix de la photo d’actualité pour sa série consacrée à la lutte anti-drogues aux Philippines. They Are Slaughtering Us Like Animals (“Ils nous massacrent comme des animaux”, ndlrtraite des atrocités liées à la violente campagne contre les drogues menée par le président philippin Rodrigo Duterte.

La guerre anti-drogues mise en place par Duterte aurait déjà fait plus de 7 000 morts. Les victimes sont nombreuses : “Durant les 35 jours que j’ai passés dans le pays, j’ai photographié 57 victimes de meurtre dans 41 endroits différents”, rapporte Daniel Berehulak. Le photographe ajoute que, selon lui, les homicides ne sont pas près de s’arrêter maintenant.

Les images de Berehulak sont très difficiles à regarder, dénonçant l’horreur qui se déroule en ce moment même dans les rues de Manille, la capitale, et à travers le pays. Les crimes sont perpétrés en public, en pleine rue et dans la journée. La série, publiée par le New York Times, révèle des conflits de chaque instant, lors desquels les victimes sont effectivement traitées comme du bétail : les cadavres sont traînés sur les pavés et les vivants sont entassés dans des conditions déplorables.

Le photographe avait déjà gagné un prix Pulitzer pour la photographie d’article de fond en 2015, pour ses images couvrant l’épidémie de la maladie Ebola en Afrique de l’Ouest. Ici encore, les images de Berehulak sont difficiles à voir mais absolument nécessaires.

Prix de la photo d’article de fond pour un reportage sur un enfant ayant survécu à une fusillade

Série consacrée à Tavon Tanner pour le Chicago Tribune par E. Jason Wambsgans, gagnant du prix Pulitzer pour la photo d’article de fond.

Du côté de la feature photography, c’est E. Jason Wambsgans qui a remporté le prix pour ses images accompagnant un article du Chicago Tribune, à propos d’un enfant ayant survécu à une fusillade. Aujourd’hui âgé de 11 ans, Tavon Tanner s’est pris une balle début août alors qu’il se trouvait sur le porche de sa maison avec sa mère et sa sœur jumelle.

Tavon est resté à l’hôpital près de deux mois et le photographe a capturé sa convalescence et l’après-fusillade, avec le garçon et sa mère. Cela fait plusieurs années que Wambsgans travaille sur la violence urbaine, et particulièrement les conflits armés dans la ville de Chicago. Cette série en est en quelque sorte l’apogée :

“C’est parce que [Tavon] et sa mère étaient tellement ouverts que j’ai pu atteindre ce niveau d’intimité, difficile à transmettre autrement. C’est une expérience au goût doux-amer parce qu’il n’y a pas une semaine qui passe sans que je ne m’inquiète pour ce garçon et son avenir.”

Ce prix centenaire, qui récompense les artistes à hauteur de 10 000 $ (environ 9 400 euros), permet à des photographes freelance d’asseoir leur réputation et de continuer à documenter avec justesse les conflits de notre société. Sa réputation n’est plus à faire et, en un siècle, le Pulitzer a fait entrer des images au panthéon de la photographie et du reportage d’actualité, à l’instar de la photo de la petite fille au napalm par Nick Ut ou le meurtre d’un Viêt-cong par un chef de la police de Saigon, par Eddie Adams.