5 œuvres d’art captivantes et émouvantes à découvrir au festival de Chaumont-sur-Loire

5 œuvres d’art captivantes et émouvantes à découvrir au festival de Chaumont-sur-Loire

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© Chris Drury ; © Carole Solvay/Eric Sander

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Par Lise Lanot

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Les artistes invités cette année livrent des œuvres fortes, à trouver et à admirer dans le château de Chaumont et ses jardins.

Les pièces majestueuses et les vastes jardins du château de Chaumont-sur-Loire réservent bien des surprises. Depuis 2008, le domaine se fait l’écrin, du printemps à l’hiver, d’une “Saison d’art” faisant la part belle à l’art contemporain. Chaque année, une quinzaine d’artistes expose des œuvres spécifiquement sélectionnées (parfois conçues) pour intégrer les lieux et rejoindre les sculptures et installations pérennes, heureuses pensionnaires datant des années précédentes.

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Fière de l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco du domaine, la directrice et commissaire des expositions de Chaumont-sur-Loire, Chantal Colleu-Dumond, insiste sur le lien de la “Saison d’art” et des artistes “à la nature et au paysage”. Derrière cet attachement commun, les œuvres manifestent l’individualité des artistes et des histoires que chacun·e souhaite conter, à travers la matière.

Chiharu Shiota, “Direction of Consciousness”. (© Eric Sander)

En déambulant entre les galeries de pierres et les chemins de terre, le public part physiquement à la recherche de ce qui résonnera en lui de manière sensible et poétique, qu’il s’agisse cette année des feuilles de céramique de Safia Hijos, de la collection d’estampes de Jean Dubuffet, des Nuages à la mine de plomb et au graphite de François Réau ou de l’installation arachnéenne de Chiharu Shiota. Afin de célébrer cette “Saison d’art” 2021, nous avons recensé nos cinq coups de cœur, à ne surtout pas manquer lors de votre visite à Chaumont-sur-Loire.

Tissage, de Min Jung-Yeon

Min Jung-Yeon, “Tissage”. (© Eric Sander)

Pour expliquer l’œuvre qu’elle présente à Chaumont-sur-Loire, Min Jung-Yeon précise qu’elle se doit de “raconter une brève histoire de son enfance”. Fille d’un directeur orphelinat, l’artiste sud-coréenne a grandi tantôt entourée de nombreux enfants dans le village, tantôt seule dans ce qu’elle considérait être son “lieu de vie, la forêt”“Un jour”, poursuit l’artiste, dans sa forêt, elle subit “une violence sexuelle”. “Mon corps a été violé, et ma forêt personnelle aussi, elle était sacrée à mes yeux. C’était comme un double viol. J’étais plus en colère contre la forêt qui ne m’avait pas protégée que contre la personne.”

À Chaumont-sur-Loire, Min Jung-Yeon présente une pièce ouverte. Trois murs sont recouverts de troncs d’arbre et d’innombrables plumes appartenant à une créature mystique, une façon pour l’artiste de se réconcilier avec la forêt.

Min Jung-Yeon, “Tissage”. (© Lise Lanot/Konbini arts)

Elle confie s’être inspirée d’une histoire taoïste dans laquelle un énorme poisson souhaite se transformer en oiseau. Après être parvenu à changer chacune de ses écailles en plumes, le poisson est toujours trop lourd pour s’envoler. Il se lance alors dans une tempête et s’il parvient à s’envoler, c’est en “subissant la douleur”. “Dans la vie aussi, il faut un gros effort pour une réconciliation”, souligne l’artiste, en référence à sa propre histoire et à son œuvre cathartique.

Au milieu des plumes et des arbres dessinés, se détachent des miroirs, qui intègrent le public directement dans l’œuvre et déforment la forêt : “On se perd en même temps qu’on retrouve son chemin dans cette forêt”, conclut Min Jung-Yeon.

Nuage d’épines et de lichen, de Chris Drury

Chris Drury, “Nuage d’épines et de lichen”. (© Eric Sander)

“Les champignons peuvent nourrir, tuer, guérir ou altérer l’esprit. Ils sont l’organisme le plus étendu sur Terre et, sans eux, la vie cesserait”, explique Chris Drury pour introduire son œuvre Nuages d’épines et de lichen, réalisée spécialement pour Chaumont-sur-Loire. Spécialisé dans le land art, Drury a, comme à son habitude, utilisé des matériaux naturels, à savoir “plusieurs milliers de brindilles de prunelliers incrustées de lichen”.

Prenant la forme d’un immense champignon éclairé à sa base, l’œuvre évoque “une onde explosive”, un “nuage nucléaire représentant la destruction aussi bien que la création”. Bref, une œuvre dans la droite lignée du travail de l’artiste, qui s’épanouit dans le traitement des paradoxes :“nature et culture, intérieur et extérieur, microcosme et macroscosme”. Dans la Grange aux abeilles du domaine, l’ambiance est lourde, fraîche et humide : c’est presque avec révérence que nous pénétrons dans l’antre de ce champignon majestueux.

L’Arbre à palabres, de Carole Solvay

Carole Solvay, “L’Arbre à palabres”. (© Eric Sander)

Sous l’imposant lustre de l’asinerie se dresse une installation aérienne dont le matériau premier interroge : de quoi sont faites ces tiges blanches par milliers qui vibrent doucement au gré de la brise ? “Du plastique ?”, s’interroge-t-on du bout des lèvres. “Du plastique à Chaumont ?”, s’indigne Chantal Colleu-Dumont, “jamais de la vie.” Et pour cause, la nature est présente à chaque recoin du domaine – ici, sous la forme de plumes, le médium de prédilection de Carole Solvay, un matériau qui lui offre “tellement de possibilités”.

L’artiste belge, qui souhaitait “envahir l’espace avec des plumes”, présente à Chaumont-sur-Loire deux œuvres qui oscillent entre solidité et légèreté, faites de plumes et de fils de fer. La première est lumineuse, attrape “les rayons du soleil et les courants d’air”. À l’étage, la seconde paraît endormie, faite d’un magma de plumes qui semblent prêtes à se relever et gronder.

Carole Solvay, “Résonances”. (© Eric Sander)

Renaissance, d’Abdul Rahman Katanani

Abdul Rahman Katahani, “Renaissance”. (© Eric Sander)

Au gré d’une balade dans le parc, un regard vers la cime des arbres présente au public trois nids signés Abdul Rahman Katanani, qui est né et a grandi dans le camp de réfugié·e·s de Sabra, au Liban. Après la légèreté des plumes et du fil de fer de Carole Solvay, le public découvrira cette fois-ci des enchevêtrements de fils barbelés, un élément récurrent du travail de l’artiste palestinien, à l’instar de ses “vagues monumentales réalisées en fil barbelé tressé à la main”, de ses oliviers ou de ses silhouettes d’enfants.

Les trois boules, mesurant entre 75 et 150 centimètres, invitent à la discussion et au débat. Elles n’ont pas pour vocation de révéler une grille d’interprétation immuable, mais plutôt de convoquer des thèmes chers à l’artiste, de “cheminement, de déplacement – de mouvement, au fond”, note l’équipe de Chaumont-sur-Loire.

L’Arbre au corps, de Fabien Mérelle

“L’Arbre au corps”. (© Fabien Mérelle)

Avec un souci du détail inouï, Fabien Mérelle plonge son avatar au milieu de ses objets de fascination : les arbres. Inlassablement vêtu d’un pantalon de pyjama rayé et d’un T-shirt blanc, son personnage se “végétalise”, son corps épousant l’inclinaison d’un tronc, son ombre devenant branches, son crâne se parant d’écorce.

Les dessins sur papier exposés à Chaumont-sur-Loire ont été créés à l’encre et à l’aquarelle d’après des autoportraits photographiques que l’artiste prend dans les forêts environnantes et qui lui permettent “d’avoir vécu le moment [qu’il] dessine”. Sa série L’Arbre au corps raconte une “sensation de fragilité” et élabore une “réflexion sur une nature qui nous échappe” intensifiées par le contraste de ses traits noirs sur papier blanc. Dans les dessins de Fabien Mérelle, le fond fait partie de la forme au service d’une sensation “d’effacement et de disparition”.

“L’Arbre au corps”. (© Fabien Mérelle)

D’autres œuvres à découvrir à Chaumont-sur-Loire

François Réau, “Nuages”. (© Eric Sander)

Safia Hijos, “Supernatures”. (© Lise Lanot/Konbini arts)

Pascal Convert, “La Chambre d’enfant”. (© Eric Sander)

La “Saison d’art” est à découvrir au domaine de Chaumont-sur-Loire jusqu’au 1er novembre 2021.