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À Paris, le créateur Martin Margiela présente ses œuvres qui déjouent les règles de l’art

À Paris, le créateur Martin Margiela présente ses œuvres qui déjouent les règles de l’art

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© Martin Margiela/Zeno X Gallery, Anvers/Photo : Pierre Antoine

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Par Julie Morvan

Publié le

Des œuvres capillotractées, toutes plus curieuses les unes que les autres…

Ouvert en mars 2018 au cœur de Paris, Lafayette Anticipations est le théâtre de plus d’une centaine de projets d’art contemporain immersifs : performances, films, installations et autres œuvres réalisées par des artistes internationaux·les. Depuis le 20 octobre 2021, c’est le célèbre couturier belge Martin Margiela qui est à l’honneur. Le lieu d’art dédie deux de ses étages à son exposition labyrinthique, où le corps et son évolution à travers le temps sont mis en exergue.

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Dès l’entrée du bâtiment, le ton est donné : on emprunte un couloir blanc où une longue fresque de collages s’étend sur un mur. Des photographies de perruques et d’ustensiles de peinture se superposent, certaines en noir et blanc, d’autres dans les tons chauds, bruns et beiges.

On débouche ensuite dans une petite cour intérieure aux hauts murs ; sur l’un d’eux, une curieuse photographie en noir et blanc sur laquelle figure un gigantesque déodorant à stick. On le voit sans le regarder, on passe devant sans s’arrêter, et on gravit les escaliers direction le premier étage.

Martin Margiela, Déodorant. (© Pierre Antoine/Zeno X Gallery, Anvers)

Là, un florilège d’installations s’offre à nous : sculptures ; collages ; peintures ; films ; tatouages sur des surfaces siliconées ; drapés surdimensionnés ; faux ongles XXL laqués de rouge ; et même un curieux abribus tout de fourrure (synthétique) vêtu. Le corps, ses courbes et ses plis, est mis en avant, tout comme la peau, les cheveux et leur éventail de couleurs.

Autant de thèmes qui obsèdent Margiela, selon Rebecca Lamarche-Vadel, directrice de Lafayette Anticipations et conservatrice de l’exposition. “Le corps est particulièrement mis en avant. Les anatomies inspirées par les traditions académiques ; les cheveux et la peau, presque sous des formes abstraites, signes du temps qui passe. La disparition est un thème omniprésent.” Tout est un jeu de texture qui se touche avec les yeux, encourageant nos sens à se dépasser les uns les autres.

Martin Margiela, série Hair Portraits. (© Julie Morvan/Konbini arts)

Les perruques sont en effet omniprésentes tout au long de ce parcours artistique : outre leur mise en avant sur la fresque introductive, on les retrouve dès la première œuvre de l’exposition, une série intitulée Hair Portraits.

Cinq couvertures du journal Jours de France surplombent cinq piles de magazines Paris Match. Les portraits que l’on retrouve habituellement en une de ces revues sont remplacés par des perruques qui recouvrent le visage des modèles. Une réinterprétation perturbante et osée des tabloïds, par le Martin Margiela artiste qui n’est pas sans rappeler le Martin Margiela couturier, s’étant fait remarquer avec ses mannequins aux yeux dissimulés lors des défilés.

Martin Margiela, Red Nails. (© Pierre Antoine/Zeno X Gallery, Anvers)

Plus loin, on retrouve Vanitas, cinq perruques de cheveux naturels teints, alignées les unes à côté des autres. La coupe est la même : un bol très court et lisse dont seules les couleurs varient, offrant un curieux dégradé capillaire. Encore une fois, point de visage : on a beau tourner autour de l’œuvre, chercher des yeux, un nez ou une bouche… En vain. Le visage n’est plus que cheveux.

Martin Margiela, Vanitas. (© Pierre Antoine/Zeno X Gallery, Anvers)

L’artiste joue avec la perception du public, comme en témoignent ses nombreuses œuvres “fantômes” aux légendes particulièrement créatives. Derrière un Sans titre de 2011, présenté comme des “sandales de plage échouées, transformées en phallus”, on retrouve ainsi un triptyque de rectangles beige clair, peints à même le mur.

Plus loin, ce ne sont non plus les yeux mais les oreilles qui sont sollicitées par une mélodie répétitive, alternant en boucle avec un rire cristallin de femme. Il s’agit du court métrage Light Test. Si vous êtes tenté·e par une visite, on vous recommande chaudement d’y rester les 7 minutes durant. On ne vous en dit pas plus, si ce n’est qu’une étonnante publicité semblable aux prerolls YouTube ne cesse de parasiter l’œuvre… pour vanter les mérites d’un déodorant stick qui nous est, on ne sait pourquoi, curieusement familier.

(© Julie Morvan/Konbini arts)

Martin Margiela, Bus Stop. (© Pierre Antoine/Zeno X Gallery, Anvers)

Martin Margiela, série Torso. (© Julie Morvan/Konbini arts)

L’exposition “Martin Margiela” est à visiter en libre accès à Lafayette Anticipations (Paris) jusqu’au 2 janvier 2022. Plus d’informations ici.

Konbini arts, partenaire de Lafayette Anticipations.