Art et cuisine : le mariage est consommé dans une expo à Montpellier

Art et cuisine : le mariage est consommé dans une expo à Montpellier

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Par Claire Verriele

Publié le

La gastronomie comme 11e art ?

La Panacée MoCo, vue d’ensemble. (© Marc Domage)

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C’est un fait, la cuisine est un domaine qui fait appel à la créativité et où l’esthétique a son importance : on peut jouer avec les couleurs, les textures et les formes, créer des visuels s’apparentant à des dessins, des sculptures et les cinq sens y sont sollicités. Cependant, doit-elle être considérée comme un art à part entière ?

Ce questionnement, et bien d’autres, connexes, est au cœur d’une exposition qui explore les liens entre art et cuisine, et a invité pour ce faire des cuisiniers à produire des œuvres et à des artistes à utiliser la cuisine pour s’exprimer. Nouveau volet de “Cookbook”, manifestation montée en 2013 aux Beaux-Arts de Paris, “Cookbook’19” revient cette fois-ci à La Panacée de Montpellier jusqu’au 12 mai 2019 sous la houlette du directeur du lieu, Nicolas Bourriaud, et du critique culinaire Andrea Petrini.

Artistes/cuistots ?

L’expo réunit 20 artistes contemporains et 25 chefs du monde entier pour explorer la frontière entre l’art et la gastronomie. Il s’agit d’“un état des lieux sur le devenir-art de la cuisine et le devenir-comestible de l’art, sur fond de convivialité et de partage”, explique le site du lieu d’exposition.

“Cookbook’19” demande aux chefs les plus créatifs et innovants du moment de rendre compte de leur univers et leur personnalité culinaires à travers des vidéos, des photos des peintures ou des installations. Les artistes doivent quant à eux utiliser les aliments à des fins artistiques.

Manoella Buffara, “Kaji Ibi”. Bois, céramique, restaurant Manu, Curitiba, Brésil. (© Marc Domage)

On laisse un petit commentaire sur Shitadvisor ?

Les chef·fe·s passent à l’atelier et les résultats sont surprenants : René Redzepi – chef de renommée mondiale, à la tête du Noma au Danemark – a travaillé sur l’invisibilité ; Ana Ros – du restaurant Hisa Franko en Slovénie – propose une vidéo en stop motion qui dénonce par l’humour le fait d’aller au restaurant pour se montrer et non plus pour apprécier ce qui se trouve dans son assiette. “Depuis qu’un reportage sur mon restaurant a été diffusé sur Netflix, les gens viennent faire des selfies avec moi mais oublient de manger”, explique-t-elle à Libération.

Le chef Jordan Kahn a élaboré une pièce à l’odeur du parc Redwood, en Californie, situé à proximité de son restaurant ; le Péruvien Virgilio Martinez a choisi de jouer sur la couleur et les chefs autrichiens du Healthy Boy Band ont fabriqué une photocopieuse qui imprime des vignettes parodiques du guide Michelin et de Tripadvisor – renommé “Shitadvisor” – pour évoquer le flux délirant de commentaires en ligne.

Les créateurs aux fourneaux

Du côté des artistes contemporains, Mathieu Mercier, avec son projet Pasta Utopia, présente des pâtes alimentaires de formes originales imaginées par des créateurs. Davide Balula propose des glaces à la poussière ou sous forme de fumée, on observe des liens entre la mode et la cuisine avec une veste en “peau de piment” et des chaussures faites avec des pelures d’oignon, et Mélanie Villemot présente quant à elle des cocktails qui miment des couchers de soleil.

Beth Galton, “The Ramen”, 1/5, 2012, tirage jet d’encre sur dibond. Avec l’aimable autorisation de Beth Galton 2012. (© Marc Domage)

Mathieu Mercier, “Pasta Utopia”, 2018. (© Marc Domage)

Elise Carron, “Pâté Confiance”, 2019, boîtes de conserve, flyers, bannière, installation. Coproduction EPCC.MoCo, avec l’aimable autorisation de l’artiste. (© Marc Domage)

Des réflexions actuelles

L’expo prend en compte les enjeux et tournants que connaît la cuisine aujourd’hui, en s’attardant notamment sur l’importance des réseaux sociaux et de l’image à travers Instagram, dont se servent beaucoup d’établissements.

On peut aussi citer les micro-organismes, la tendance du véganisme et du locavorisme, et la mondialisation qui ne sont pas oubliés dans cet événement qui va au cœur des préoccupations de l’alimentation du XXIe siècle. Bonne nouvelle, l’expo est gratuite et un programme d’activités l’accompagne avec des dégustations, des conférences et des performances, dans une logique de partage et de découverte. On se donne rendez-vous à Montpellier “la surdouée” – qui porte ici bien son nom – pour faire émulsionner art et cuisine.

L’exposition “Cookbook’19”, à voir jusqu’au 12 mai 2019, à La Panacée, Centre d’art contemporain à Montpellier.