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Au Mexique, une fresque géante dénonce le silence de l’État face aux féminicides

Au Mexique, une fresque géante dénonce le silence de l’État face aux féminicides

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© Colectiva SJF/Santiago Arau

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Par Lise Lanot

Publié le

Une œuvre dénonciatrice, en hommage aux dix femmes tuées en moyenne par jour au Mexique.

En 2019, 1 006 femmes sont mortes au Mexique, rapporte le gouvernement mexicain. En un peu moins de trois mois, en 2020, près de 400 femmes sont décédées. Entre 2015 et 2019, les féminicides auraient augmenté de plus de 136 %. Afin de remédier aux mesures inexistantes prises par l’État face à ces violences dramatiques, la population se soulève.

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Lundi 9 mars dernier, en écho à la Journée internationale pour les droits des femmes du 8 mars, les femmes mexicaines avaient prévu une journée de grève générale afin d’attirer l’attention sur la disparition du nombre incroyablement élevé de femmes tuées. La veille, une partie d’entre elles avait décidé de faire ressortir la présence des disparues de façon marquante et artistique.

Un hommage à 450 femmes disparues

La Plaza del Zócalo remplie de manifestant·e·s le dimanche 8 mars, à Mexico City. (© Colectiva SJF/Photo : Santiago Arau)

Le dimanche 8 mars, au petit matin et avant la marche organisée dans la capitale, une dizaine de membres du collectif Colectiva SJF s’était rendue dans une des plus grandes places de Mexico City, la Plaza del Zócalo. Les artistes y avaient inscrit les noms des victimes de féminicides de ces quatre dernières années, rapporte Hyperallergic. Pendant six heures, le collectif a gardé les yeux rivés sur le sol, bientôt rejoint par 200 femmes. Ensemble, elles ont honoré la mémoire de 450 femmes disparues.

“Nous n’en pouvions plus de voir la problématique des féminicides traitées à travers des statistiques. Nous voulions humaniser ces femmes. Quand elles meurent, elles laissent leur empreinte sur nous tou·te·s et nous voulions que tout le monde puisse visualiser cette marque, créer une mémoire collective.

Il est nécessaire que les protestations sociales occupent l’espace public, leur redonnent une signification. Le plus beau dans cette action, c’est qu’elle était collective. Cela nous a aussi beaucoup marquées”, a argumenté une des membres du collectif, Martha Muñoz Aristizabal.

Des actions laissées sans réponse

Le lendemain, les noms des victimes avaient été effacés. (© Santiago Arau)

En moins de 24 heures cependant, l’œuvre collective avait disparu, effacée : “Nous n’étions pas surprises. On savait qu’ils le feraient. C’est pour ça qu’on a bien pris garde de documenter notre travail. Mais on était quand même étonnées que ça arrive si vite”, a déploré Martha Muñoz Aristizabal.

Le gommage de ce travail rappelle bien malheureusement le silence et la mauvaise foi du gouvernement face aux violences perpétrées contre les femmes. Malgré la présence de 80 000 personnes lors de la marche du 8 mars et le nombre d’actions protestataires organisées, le président Andrés Manuel López Obrador n’a annoncé aucune nouvelle mesure pour faire face au problème.

Au contraire, il s’est laissé aller à soutenir que le mouvement féministe, la marche et la grève étaient en partie organisés par des opposant·e·s politiques qui “souhaitent voir son gouvernement échouer”, rapporte le New York Times. Une politique de la sourde oreille bien mal venue au vu de l’ampleur de ces drames.

Les noms des victimes inscrits sur la Plaza del Zócalo, à Mexico City. (© Colectiva SJF/Photo : Santiago Arau)