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Avec des fleurs empoisonnées, l’artiste Kapwani Kiwanga explore l’esclavage et la liberté

Avec des fleurs empoisonnées, l’artiste Kapwani Kiwanga explore l’esclavage et la liberté

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© Kapwani Kiwanga/Galerie Poggi

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Ces fleurs étaient utilisées par les personnes en condition d’esclavage pour tuer et s’affranchir de leurs maîtres.

Kapwani Kiwanga, une artiste en pleine ascension, titulaire du prix Marcel Duchamp 2020, analyse les rapports de pouvoir à travers une installation articulée autour de fragiles fleurs empoisonnées, présentée à Art Basel 2021.

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Intitulée Potomitans, l’installation est constituée de délicats fils d’argent auxquels sont suspendus des plantes historiquement utilisées comme poisons par des personnes réduites en esclavage pour retrouver leur liberté.

“Je dis ‘en condition d’esclavage’ et non ‘esclave'”, insiste d’emblée l’artiste, le mot “esclave” en lui-même traduisant le déséquilibre du rapport de force, a-t-elle expliqué lors d’un entretien sur le salon avec l’AFP, et non un élément constitutif “de l’identité” de la personne.

Anthropologue de formation, l’artiste franco-canadienne installée à Paris a retenu en particulier deux plantes retrouvées dans des archives qui ont servi de base à ce projet, créé pour participer à Art Basel, la foire de l’art qui s’est tenue à Bâle (en Suisse) du 24 au 26 septembre.

La première, le Mimosa Pudica, est mentionnée dans des notes datant de 1755 de l’explorateur et botaniste suédois Daniel Rolander dans un voyage au Suriname où il avait découvert qu’elle était utilisée par les personnes en condition d’esclavage pour tuer et s’affranchir de leurs maîtres.

Pour la seconde, l’artiste a choisi le Phytolacca Americana, également appelé “Pokeroot” ou “Poke weed”, retrouvée dans les minutes du procès d’une femme en condition d’esclavage de Virginie, en Amérique, condamnée à mort en 1816 après avoir été accusée d’avoir voulu empoisonner sa maîtresse.

L’artiste est ensuite allée chercher son inspiration du côté des rites vaudous d’Haïti mais aussi des sorcières du Somerset en Angleterre. Elle a choisi d’accrocher les plantes à des fils d’argent suspendus à la verticale en référence au Potomitan, le poteau central des temples vaudou, et aux cordes appelées “échelles de sorcières” auxquelles étaient accrochées “des branches d’arbres, plumes ou cailloux” pour leur permettre de “s’échapper vers d’autres sphères”, décrypte-t-elle.

“Le point de départ était une réflexion sur la botanique pour voir comment les plantes sont des partenaires dans l’histoire de l’humanité, soit comme témoins d’événements historiques, soit comme alliées dans une quête de libération”, explique l’artiste.

Née en 1978 au Canada, Kapwani Kiwanga a remporté le Prix Marcel Duchamp en 2020 pour une installation intitulée Flowers for Africa, composée de fleurs vouées à faner en allusion aux bouquets décorant les tables d’événements diplomatiques liés à l’indépendance de pays africains.

Avec AFP.