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Comment la pandémie a transformé les artistes en entrepreneurs

Comment la pandémie a transformé les artistes en entrepreneurs

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© Netflix

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Par Pauline Allione

Publié le

Continuer à vivre de ses œuvres pendant la crise, c’est tout un art.

Passion, talent, vocation… On parle souvent de la partie créative des métiers artistiques mais derrière l’idéal romancé, la vie d’artiste, c’est aussi démarcher, communiquer et surtout vendre.

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Touché·e·s de plein fouet par la crise sanitaire, les artistes sont plus que jamais confronté·e·s à cette réalité. Après plus d’un an de fermeture des musées et de confinements à répétition, il leur a fallu apprendre à gérer leur business de A à Z, élargir leurs compétences et se réinventer pour continuer à vivre de leur activité.

Le tabou de l’artrepreneur

Aux États-Unis, la double casquette d’artiste-entrepreneur·se est clairement assumée. Il existe même un mot pour cela : on parle d’artrepreneur. Mais en France, assimiler la gestion d’une activité artistique à celle d’une entreprise reste encore compliqué.

“Au début, j’ai été très critiquée d’avoir associé l’art et l’entrepreneuriat”, rapporte Amylee, peintre, mentor d’artistes et fondatrice d’un blog sur l’artreprenariat depuis 2009. “En débutant, j’ai compris que le métier d’artiste, c’était aussi démarcher des galeries, monter des dossiers pour participer à des salons, candidater pour des appels à projet… Tout cela, je le vivais, mais personne n’en parlait”, retrace-t-elle.

D’abord raillée par ses confrères et consœurs pour aborder sans tabou les volets financier, administratif et communicationnel des métiers artistiques, Amylee voit doucement le vent tourner. “Avec les années, je constate que les mentalités changent, surtout depuis le confinement. Avant les galeries se chargeaient de ces choses-là, mais beaucoup sont désormais fermées et les artistes ont dû trouver des alternatives. Ils s’adaptent et entreprennent davantage”, observe la coach.

Velvet Buzzsaw. (© Netflix)

Artistes en crise

Confiné en région parisienne en mars 2020, Alexandre Kubasik, peintre et sculpteur, a rapidement décidé de passer à l’action pour promouvoir lui-même ses œuvres. “Je me suis remis en question, puis j’ai cherché des solutions. J’ai commencé par refaire mon site vitrine, développer un site transactionnel pour que les gens puissent voir et acquérir mes œuvres, et accroître ma présence en ligne”, raconte-t-il.

Pour toutes ces démarches, le peintre s’est offert une formation afin d’apprendre à gérer le développement de son activité de façon autonome. Depuis quelques mois, il bénéficie de l’accompagnement d’Amylee et de son compagnon, tous deux coachs spécialisés. “Derrière le métier d’artiste, il y a toutes les facettes administratives, et le coaching me permet de réellement piloter mon entreprise. J’apprends les bases d’Excel, de Photoshop, je constitue mon book… Je gagne en compétences, c’est un sacré atout.” Alexandre Kubasik a même adopté le vocabulaire du start-upper : “J’ai pris la balle au rebond”, résume-t-il.

Privé d’expositions et de vernissages, Louis Stecken, jeune peintre, a également innové pour aller de l’avant. Entre deux confinements à la fin de l’été 2020, il s’est empressé de contacter un bar près de chez lui pour proposer d’y exposer ses œuvres. “Les galeries ne savaient pas si elles pouvaient exposer, tout le monde était dans l’hésitation et j’avais plein de tableaux chez moi… Il fallait absolument faire quelque chose, alors j’ai contacté un club de jazz et je leur ai proposé de faire une soirée vernissage lors de laquelle j’afficherais mes œuvres”, se souvient-il.

Se reconvertir temporairement

Mais dans le contexte actuel, certain·e·s ont dû faire une croix sur leur activité artistique, rendue impossible par les mesures sanitaires. Photographe de naissances, Tobias Schick n’est plus autorisé à se rendre dans les cliniques depuis le début de la crise sanitaire ; il n’immortalise plus de mariages non plus. Il compose donc avec les contraintes et a élargi son domaine de prédilection. “J’ai postulé dans une agence à Milan pour de la photo immobilière, alimentaire et de produits, mais je reçois presque exclusivement des commandes de Deliveroo”, détaille le photographe. C’est donc dans la food que l’artiste s’est reconverti pour continuer à vivre de la photo. En attendant de capturer à nouveau les émotions en salle d’accouchement, il faut bien résister à la crise.