Dans les rues, un artiste dénonce l’exposition d’œuvres pillées au Nigeria

Dans les rues, un artiste dénonce l’exposition d’œuvres pillées au Nigeria

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© Emeka Ogboh/Photo : Oliver Killig

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Par Lise Lanot

Publié le

Emeka Ogboh affiche des avis de disparition d’œuvres pillées au XIXe siècle et réclamées par le Nigeria depuis 1986.

Le 16 août 2019, l’ambassadeur nigérian Yusuf Maitama Tuggar adressait une lettre à la chancelière Angela Merkel, demandant la restitution d’œuvres d’art culturelles pillées au Nigeria et exposées dans les musées allemands. L’ambassadeur y rappelait que son pays revendiquait cette demande sans relâche depuis 1986, face à la privation, pour 200 millions de Nigérian·e·s, d’une partie importante de leur “identité, connaissance de soi et héritage historique”. 

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En appui de cette requête, l’artiste Emeka Ogboh a réalisé une “intervention artistique” affichée à travers la ville allemande de Dresde. Y sont présentés des objets en bronze pillés lors d’une “expédition punitive” violente au Royaume du Bénin (dans le sud-ouest de l’actuel Nigeria) au XIXe siècle par des troupes coloniales anglaises. Rapportées de force au Royaume-Uni, les œuvres avaient ensuite été vendues à des musées nord-américains et européens, dont le musée d’ethnologie de Dresde, précise un communiqué rédigé par sa directrice. L’intervention, nous précise Emeka Ogboh, n’est pas une opération “guérilla” mais un projet “mené en collaboration” avec le musée de Dresde, d’où l’aspect officiel de la campagne.

Campagne d’affichage “Vermisst in Benin” à Dresde, le 30 décembre 2020. (© Emeka Ogboh/photo : Oliver Killig)

“Disparu”

Les photographies affichent le mot “Vermisst” (“disparu”), imprimé en lettres capitales. Sont également indiqués le lieu et la date du pillage des œuvres. Emeka Ogboh précise que l’idée de cette intervention a germé d’un “sentiment d’impatience et de nécessité”, afin de “cadrer un discours stagnant et abstrait autour des réparations coloniales”. Sous la forme d’une “annonce de service public”, sur des abribus par exemple, l’artiste insiste sur “l’urgence et la gravité” de la situation. 

Placarder ces affiches dans la rue revient aussi, pour Emeka Ogboh, à démystifier “ce qui est devenu un dialogue élitiste confiné au secteur de l’art et des musées”. La forme d’un signalement de disparition lui permet de souligner “l’absurdité de pourquoi ces objets sont toujours dans ce musée”.

Campagne d’affichage “Vermisst in Benin” à Dresde, le 30 décembre 2020. (© Emeka Ogboh/photo : Oliver Killig)

La collection de sculptures en bronze exposée à Dresde n’est qu’un exemple parmi tant d’autres d’objets pillés sur les continents africain et asiatique puis exposés dans des musées occidentaux, loin de celles et ceux dont ils constituent l’histoire.

Yusuf Maitama Tuggar soulignait d’ailleurs à la fin de son courrier datant d’août 2019 à quel point ce retour de la part de l’Allemagne aiderait à “panser le traumatisme tragique du colonialisme” et créerait un précédent pour d’autres pays. Si la directrice du musée d’ethnologie de Dresde affirme être reconnaissante d’Emeka Ogboh, “qui nous sensibilise tous”, aucun rapatriement desdites œuvres n’est pour l’instant clairement à l’ordre du jour. La campagne a “reçu beaucoup d’attention”, se félicite cependant l’artiste, qui espère que la dynamique créée permettra d’accélérer le processus de rapatriement des bronzes.

Campagne d’affichage “Vermisst in Benin” à Dresde, le 30 décembre 2020. (© Emeka Ogboh/photo : Oliver Killig)

Campagne d’affichage “Vermisst in Benin” à Dresde, le 30 décembre 2020. (© Emeka Ogboh/photo : Oliver Killig)