La statue d’une femme agressée par son sculpteur exposée pour dénoncer les violences sexistes

La statue d’une femme agressée par son sculpteur exposée pour dénoncer les violences sexistes

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© Le Bernin/Musée des Offices, Florence

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Cette sculpture est mise en regard avec des portraits de femmes défigurées à l’acide.

Des portraits de femmes défigurées à l’acide font face à une sculpture de l’artiste baroque Le Bernin représentant son amante, qu’il fit défigurer “par jalousie”. Avec cette exposition, les Offices de Florence veulent dénoncer les violences contre les femmes.

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En 1638, Le Bernin avait chargé un de ses domestiques de défigurer son amante Costanza Piccolomini Bonarelli, après avoir découvert qu’elle le trompait. Le Bernin fut condamné à une simple amende, tandis que Costanza dut se retirer quatre mois dans un monastère. Après ce calvaire, elle retourna au foyer conjugal et se lança avec succès dans le commerce de sculptures.

“L’idée de cette exposition est de sensibiliser [le public] venant aux Offices en quête de beauté au fait que la beauté sans [morale] est impossible”, a expliqué le directeur des Offices Eike Schmidt, dans une vidéo diffusée par les Offices qui, outre les chefs-d’œuvre de la Renaissance, accueillent régulièrement des artistes contemporain·e·s.

“Il faut s’engager en faveur des victimes et changer le système et les mentalités, qui trouvent trop facilement des excuses aux personnes ayant commis ce genre de crimes”, juge-t-il. Autour du buste en marbre sculpté par Le Bernin, sont exposées les photographies de femmes d’aujourd’hui privées de visage.

Pour ce projet, la photographe italienne Ilaria Sagaria a recueilli les témoignages de femmes victimes de leur mari ou compagnon. Ensuite, à partir de leurs récits, elle a mis en scène des portraits évoquant leur histoire. Ces “non-visages”, recouverts de bandelettes blanches ou cachés par un voile, ressortent sur des décors dépouillés.

“Il y avait des points communs à toutes leurs histoires, par exemple le fait qu’elles décrochaient de leurs murs miroirs et photos, illustrant ce besoin d’enlever tout ce qui pouvait rappeler ce qu’elles étaient auparavant”, a expliqué à l’AFP Ilaria Sagaria dans un entretien par téléphone. Elle a interrogé aussi bien “des femmes d’Occident” (italiennes) que des “femmes d’Orient” (indiennes, pakistanaises…).

“J’ai voulu mettre l’accent moins sur le calvaire physique que doivent subir ces femmes que sur l’aspect psychologique” de ces tragédies, a résumé l’artiste, évoquant leur “sensation d’isolement” et “de perte d’identité”, a-t-elle précisé. L’Italie, qui compte régulièrement des féminicides, a adopté en 2013 une loi pour prévenir ces crimes et alourdir les peines encourues.

L’exposition “Lo sfregio Ilaria Sagaria/Gian Lorenzo Bernini”, à la Galerie des Offices de Florence, est à voir jusqu’au 19 décembre 2021.

Avec AFP.