L’ombre de la guerre en Ukraine plane sur la biennale d’art de Venise

L’ombre de la guerre en Ukraine plane sur la biennale d’art de Venise

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© Francesco Gilioli/AFPTV/AFP

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Par Donnia Ghezlane-Lala

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"Je ne crois pas que l’art puisse changer le monde. Mais l’art peut nous aider à survivre."

Pavlo Makov, un artiste ukrainien qui a fui face à l’invasion russe en n’emportant presque rien, est fier de représenter son pays cette année à la biennale de Venise, où se pose la question du rôle de l’art en temps de guerre. “Je ne crois pas que l’art puisse changer le monde. Mais l’art peut nous aider à survivre”, explique à l’AFP M. Makov, avant l’ouverture ce week-end de la biennale.

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De retour après une interruption due à la pandémie, cette 59e édition est éclipsée par la guerre en Ukraine, déclenchée le 24 février. Les organisateur·rice·s ont banni les représentant·e·s officiel·le·s russes pour protester contre l’invasion, tandis que la délégation ukrainienne a réussi à quitter Kyiv le jour où les troupes russes ont franchi la frontière.

Pour Pavlo Makov, il était inévitable que la Russie soit exclue de la manifestation, où 58 pays sont représentés dans des pavillons nationaux à travers 213 artistes. “Le dialogue que nous avons en ce moment avec la culture russe se tient dans un seul endroit, sur le front”, tranche l’artiste âgé de 63 ans.

Baptisée La Fontaine de l’épuisement, son installation est composée de 78 entonnoirs bleu canard disposés en triangle et dans lesquels s’écoule de l’eau qui est récoltée dans un petit bassin. Le murmure de l’eau résonne dans la pièce où trône cette œuvre que son auteur considère comme “une métaphore de la vie contemporaine”.

Les entonnoirs ont été acheminés depuis Kiev par la conservatrice Maria Lanko : elle a quitté la capitale ukrainienne quand la Russie a lancé son offensive et conduit durant six jours à travers la Roumanie, la Hongrie et l’Autriche pour arriver finalement en Italie. Elle s’était préparée à l’éventualité d’une guerre : “Nous avons plaisanté en nous disant : ‘OK, si jamais quelque chose se passe, on peut mettre ces caisses dans une voiture et les faire sortir’“, raconte-t-elle à l’AFP. La conservatrice a cependant laissé derrière elle l’imposante base de l’installation.

Non loin de là, les salles du pavillon russe sont vides. Le commissaire d’exposition et les artistes ont démissionné après l’invasion. “Il n’y a pas de place pour l’art quand des civils meurent”, avait alors souligné l’artiste russe Kirill Savchenkov. Les organisateur·rice·s de la biennale ont salué ce geste et interdit l’accès de la manifestation à toute personne liée au gouvernement russe, se joignant ainsi au boycott culturel mondial de Moscou en raison de la guerre.

La biennale s’est aussi chargée du financement de la reconstruction de l’installation de Makov. “C’est vraiment grâce à cette solidarité que nous pouvons avoir ce projet achevé ici”, a reconnu l’artiste, qui a lui-même quitté précipitamment l’Ukraine avec sa famille, qui se trouve actuellement en Autriche.

La biennale, ouverte au public du 23 avril au 27 novembre, est dirigée par Cecilia Alemani, une Italienne de 45 ans qui a tenu à assurer la présence d’une majorité d’artistes femmes et non-binaires. À propos du conflit en Ukraine, elle affirme avoir apprécié la décision des représentant·e·s russes de démissionner plutôt que de “porter le fardeau de représenter la Russie à la biennale de 2022 et avoir cette marque pour le reste de leur vie”.

“C’est aussi le rôle de la biennale […] de tenir compte des sursauts de l’Histoire”, juge-t-elle. Dans cet esprit, elle a annoncé le lancement de “Piazza Ucraina” (“Place d’Ukraine”), un espace consacré à la méditation, aux discussions et performances. Sur cet espace trône une montagne de sacs de sable, semblables à ceux utilisés en Ukraine pour protéger les statues des bombardements.

Konbini arts avec AFP.

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