Pourquoi les œuvres de Louise Bourgeois reflètent si bien le Cancer

Pourquoi les œuvres de Louise Bourgeois reflètent si bien le Cancer

Image :

© Luis Dafos/Moment Unreleased/Getty Images

photo de profil

Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le , modifié le

Des œuvres qui parlent de maternité, du foyer et de famille : quoi de mieux pour représenter le Cancer que les œuvres sensibles de Louise Bourgeois ?

Chaque mois, notre rubrique “Artstrology” vous fait (re)découvrir des œuvres et artistes à la lumière d’un signe astrologique. Ce mois-ci, c’est au tour du Cancer de passer sous notre loupe.

À voir aussi sur Konbini

Un signe d’eau

Avec le Scorpion et le Poissons, le Cancer est un signe d’eau instinctif, sensible, curieux, proche de ses émotions, de sa famille et de son foyer. Gouvernés par la Lune, le Cancer est associé à l’expression “je sens” et sont constamment en proie à la rêverie, à la mélancolie, au point d’oublier parfois le monde réel.

Ayant une vie intérieure très riche, le crabe n’hésite pas à se réfugier dans sa carapace pour se ressourcer, pour se protéger ou pour éviter les conflits. Cet animal a la particularité de se déplacer à reculons et c’est en cela que le Cancer est très tourné vers le passé et qu’il nage bien souvent dans l’introspection.

Dans tous ses travaux artistiques, Louise Bourgeois n’a fait qu’explorer son passé familial, usant de son art à travers une approche psychanalytique, autobiographique et émotionnelle forte. Prenons pour exemple son œuvre Cells, des installations représentant de petits enclos grillagés dans lesquels le public est invité à pénétrer.

Une fois à l’intérieur, on y observe des objets en vrac qui symbolisent le paysage psychologique et biographique de l’artiste. Il y est souvent question de peur, de douleur et de ses traumatismes d’enfance. Dans l’une de ses Cells, Bourgeois a placé une guillotine et une maquette de sa maison familiale. À propos de cette pièce, elle a déclaré : “Ce sont les gens qui se guillotinent dans leur propre famille.” Bonne ambiance.

Dans les années 1950, la plasticienne française crée ses Totems, appuyant davantage l’importance de la famille et du foyer dans son art, à l’image du Cancer qui est un être casanier. Les Totems sont des figures longues, fines et lisses, en bois, qui dépeignent des personnages symbolisant son mal du pays alors qu’elle venait de déménager à New York. Sa famille et ses proches lui manquaient ; ses sculptures, quand elle les rassemblait, représentaient pour elle une présence et une manière d’exorciser son spleen.

Un signe cardinal

Aux côtés du Bélier, de la Balance et du Capricorne, le Cancer fait partie des signes cardinaux, c’est-à-dire qu’il ouvre une saison. Ce sont des signes astrologiques de mouvement, qui insufflent nouveauté et créativité, et qui s’épanouissent quand ils y parviennent. Ce sont des leaders nés qui voient les choses en grand et indiquent le chemin à emprunter.

Les créations de Louise Bourgeois ont traversé le XXe siècle et ont participé à l’essor du féminisme. Elles ont ouvert la voie à une génération d’artistes après elles : Bourgeois soutenait de nombreuses jeunes artistes femmes et prenait part à des expositions militantes du Mouvement de libération des femmes. Son Mémorial de Steilneset, sa dernière œuvre, rendait hommage aux sorcières persécutées et brûlées au bûcher. “Je suis une femme, je n’ai pas besoin d’être féministe”, disait-elle.

C’est parce que ses œuvres étaient engagées et avant-gardistes qu’on peut les considérer comme cardinales. Cette artiste, qui maniait la peinture, la sculpture, l’installation, n’a jamais cessé d’avancer malgré un milieu artistique dans lequel l’homme régnait en maître. Très tôt, elle osait prendre la parole sur des sujets délicats, comme dans son récit Child’s Abuse, paru dans le magazine Artforum, dans lequel elle racontait la violence des hommes au sein de son cercle familial.

Un signe représenté par… la poitrine et le ventre

Chaque signe du Zodiaque est caractérisé par des parties de l’anatomie humaine. Pour le Cancer, il s’agit de la poitrine et du ventre, faisant écho à la procréation et à la féminité. La plupart des œuvres de Louise Bourgeois tournent autour de la figure féminine et de ses engagements féministes.

À tel point qu’elle nommait ses sculptures de pénis Fillette : il se dit qu’on pouvait aussi y voir un buste de petite fille mais nous, on ne voit pas trop… Fillette exprime à la fois une force créatrice, sexuelle, mais aussi une fragilité propre aux attributs sexuels mâles, que la sculptrice considère comme ‘très délicats’“, explique le magazine Beaux Arts.

Ses Femmes-Maisons sont aussi très représentatives de ce signe astrologique puisqu’elles représentent des femmes nues aux têtes et aux corps en forme de maisons. Cette série de peintures et de sculptures lui permet d’explorer le thème de l’identité féminine et le rapport à la vie domestique. Ici, les maisons isolent les femmes de la société, les enferment et effacent leur identité puisque leur visage est caché.

Trois autres œuvres figurent très bien les parties anatomiques liées au Cancer : ses petites poupées de femmes enceintes au ventre rond et aux seins bien dessinés, ses Mamelles, ainsi que ses Eyes, deux grandes sculptures d’yeux en marbre qui ont tout l’air d’une poitrine de femme.

Un signe maternel et protecteur

Le Cancer est très maternel et protecteur. Ce signe aime nourrir et protéger ses proches. On dit souvent que le Cancer incarnerait la mère du Zodiaque et son opposé polaire, le Capricorne, en serait le père. Les travaux de Louise Bourgeois sont hantés par des thématiques liées à la maternité, la naissance et la procréation.

Son œuvre emblématique Maman représente une araignée géante en bronze, nourricière et protectrice des 26 lourds œufs en marbre qu’elle couve dans son ventre. Son apparence gigantesque et menaçante ainsi que ses longues pattes effrayantes ne sont là que pour repousser l’ennemi et mieux protéger ses enfants. Ici, l’artiste naturalisée états-unienne explore le pouvoir de la mère, en hommage à sa propre mère qu’elle aimait tant et qu’elle a perdue à l’âge de 21 ans.

L’araignée tisse sa toile avec soin pour se protéger. La mère de Louise Bourgeois, Joséphine, était également tisseuse : elle restaurait de vieilles tapisseries. L’araignée est une ode à ma mère. Elle était ma meilleure amie. Comme une araignée, ma mère était une tisserande. Ma famille était dans le métier de la restauration de tapisserie et ma mère avait la charge de l’atelier. Comme les araignées, ma mère était très intelligente. Les araignées sont des présences amicales qui dévorent les moustiques. Nous savons que les moustiques propagent les maladies et sont donc indésirables. Par conséquent, les araignées sont bénéfiques et protectrices, comme ma mère”, a un jour exprimé l’artiste.

Grâce à sa mère, Louise Bourgeois maîtrisait le tissage, un art qu’elle a exploité en tant que médium à travers des créations textiles. Dans son esprit, le tissage et la couture étaient associés à l’idée de “réparation”. De manière figurée, ces artisanats renvoyaient aux liens qui se font et défont, qui se restaurent et qui se coupent, au sein d’une famille.

Trois autres œuvres de Louise Bourgeois cristallisent parfaitement la maternité. D’abord, Cumul I, une sculpture d’ovoïdes censée représenter des nuages cumulus mais qui ressemble étrangement plus à un nid d’œufs. Ensuite, ses aquarelles de femmes enceintes en rouge sang.

Pour finir, la grandiose installation Destruction du père qui révèle un utérus dans lequel se joue une scène macabre : un père tué et dévoré par ses propres enfants lors d’un banquet dégueulant de carcasses animales. Dans cette œuvre sombre et complexe, la plasticienne abordait les humiliations que lui faisait subir son père. L’utérus offre ici une renaissance et une protection aux enfants, débarrassé·e·s de la domination du pater.