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Une artiste sculpte des objets du quotidien que la police a confondus avec une arme

Une artiste sculpte des objets du quotidien que la police a confondus avec une arme

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Par Lise Lanot

Publié le

Brosse, clés ou sandwich... Face à ces objets banals, les policiers n’ont pas hésité à tirer.

Une brosse à cheveux, une lampe torche, un jeu de clés ou un sandwich : il s’agit d’objets tous plus ordinaires les uns que les autres. Ils ont pourtant été “confondus” avec des pistolets par des officiers de police américains qui ont réagi en tirant sur leur propriétaire – le plus souvent, des hommes noirs. Prenant connaissance, fin 2016, d’une liste des objets à l’origine de fusillades, Cara Levine a mis en place un projet artistique collaboratif sur le sujet, This is Not a Gun.

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L’artiste multidisciplinaire originaire de Los Angeles sculpte depuis trois ans des répliques des objets en question et organise des ateliers de céramique où les participant·e·s sont invité·e·s à discuter ensemble de questions raciales, de racisme ou du privilège blanc. Cara Levine insiste sur le fait que tout le monde est bienvenu pour participer à ces ateliers et raconter sa propre expérience. Nous avons posé quelques questions à l’artiste afin qu’elle nous en dise plus sur son projet au long cours.

“This is Not a Gun, Sandwich for Vonderrit Myers”, 53 heures de travail, 2019. (© Cara Levine)

Konbini arts | Bonjour Cara, peux-tu nous raconter comment ton projet This is Not a Gun a débuté ?

Cara Levine | This is Not a Gun a commencé en décembre 2016. J’avais vu la liste d’objets que la police avait pris pour des pistolets avant de tirer sur des civils sans arme. Publiée par le magazine Harper’s, la liste contenait des objets du quotidien comme un sandwich, un téléphone portable, un jeu de clés, un portefeuille, une cane… J’étais complètement interloquée à l’idée que quiconque puisse confondre des objets si anodins avec des armes, mais j’étais aussi très frustrée du manque de contexte de cette liste – où étaient les noms, les couleurs de peau, les âges, etc. de ces victimes ?

Même une recherche sommaire permet de se rendre compte que la majorité de ce genre de fusillades touche des hommes noirs et ce, qu’importe ce qu’ils portent sur eux. Les policiers agissent par peur et par racisme. J’ai décidé de consacrer plus de temps à cette liste et à ces objets. Tout a commencé dans mon studio, où je me suis mise à méticuleusement leur tailler des répliques dans du bois.

Vue d’objets réalisés lors d’ateliers “This is Not a Gun” et présentés à la TSA LA Gallery, 2020. (© Cara Levine)

C’est à ce moment que le projet est devenu collaboratif ?

Oui. J’ai mis en place des ateliers de céramique ouverts à tous. J’y collabore avec des activistes locaux, d’autres artistes et des spécialistes des arts de la guérison. Ces ateliers nous permettent de mener des conversations sincères et importantes quant à l’égalité, aux violences policières et aux traumatismes culturels.

Pourquoi avoir choisi la céramique ?

J’ai choisi l’argile pour plusieurs raisons. Déjà, c’est un matériel très instinctif qui ne nécessite pas d’expérience particulière et qui est très marrant à travailler. De plus, l’essence de l’argile est naturelle, elle est composée de terre et d’eau, elle aide les participants à donner corps à leurs conversations, qui dépassent le stade purement intellectuel. Enfin, les participants ont l’opportunité de sentir ces objets dans leurs mains, de comprendre leur poids, leur taille, la simplicité d’un sandwich, d’une paire de clés, d’un téléphone portable – et cela a un impact.

“This is Not a Gun, Sunglasses for DeCarlos Moore”, 27 heures de travail, 2019. (© Cara Levine)

Que veux-tu transmettre avec ton livre dédié au projet ?

L’ouvrage rassemble les productions de quarante contributeurs qui ont écrit sur quarante objets uniques pris pour des armes. […] J’espère que les lecteurs seront émus par le contenu du livre mais aussi inspirés par la résilience, la joie et la tendresse qui en émanent.

Le but premier était de rassembler quarante histoires sur quarante objets banals, pour insister sur le fait qu’ils ne pouvaient être considérés comme une menace et ainsi souligner la gravité de la violence perpétrée contre les personnes racisées aux États-Unis aujourd’hui.

“This is Not a Gun, Hairbrush for Kheil Coppin”, 56 heures de travail, 2019. (© Cara Levine)

“This is Not a Gun, Sunglasses for DeCarlos Moore”, 27 heures de travail, 2019. (© Cara Levine)

Vue d’objets réalisés lors d’ateliers “This is Not a Gun” et présentés à la TSA LA Gallery, 2020. (© Cara Levine)

Objet céramique réalisé lors d’un atelier “This is Not a Gun”, entre 2017 et aujourd’hui.

Objet céramique réalisé lors d’un atelier “This is Not a Gun”, entre 2017 et aujourd’hui.

Objet céramique réalisé lors d’un atelier “This is Not a Gun”, entre 2017 et aujourd’hui.

Le projet This is Not a Gun de Cara Levine est également visible sur Instagram. Le livre du projet est disponible ici.