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Une sculpture de Méduse créée pour #MeToo est sous le feu des critiques

Une sculpture de Méduse créée pour #MeToo est sous le feu des critiques

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© Luciano Garbati/Courtesy de MWTH Project et Art in the Parks

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Par Lise Lanot

Publié le

En cause, entre autres sujets, l'auteur de l'œuvre et les poils pubiens de la figure mythologique grecque.

En hommage au mouvement #MeToo et à la libération de la parole des femmes contre leurs agresseurs, une statue de la Méduse a été érigée à New York. L’endroit choisi est symbolique : à Manhattan, face au tribunal pénal de la ville où ont été jugées nombre d’affaires d’abus sexuels – dont la condamnation à 23 ans de prison pour viol de Harvey Weinstein.

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La statue est une réécriture du mythe grec : Méduse a vaincu Persée (qui lui a tranché la tête en se servant du reflet de son bouclier, tel que le relate Ovide dans ses Métamorphoses). Nue, elle tient d’une main la tête décapitée du fils de Zeus et de l’autre, une épée. Censée dénoncer les violences faites aux femmes, la statue n’a pas rencontré le succès escompté pour plusieurs raisons – dont le genre de son auteur et sa morphologie.

“Méduse avec la tête de Persée” à New York. (© Luciano Garbati/Courtesy de MWTH Project et Art in the Parks)

Un écho aux luttes féministes

La figure de Méduse avait été choisie par le sculpteur Luciano Garbati pour l’écho qu’elle a trouvé ces dernières décennies au sein des luttes féministes. Rappelons que dans la mythologie grecque, la Gorgone (qui avait auparavant une apparence de belle jeune femme) a été violée par Poséidon dans le temple d’Athéna. La déesse de la guerre, offensée d’avoir vu son temple souillé, transforme la jeune femme en Méduse : ses tresses deviennent une multitude de serpents et son regard pétrifie les hommes qui osent soutenir son regard. 

Détail de “Méduse avec la tête de Persée” à New York. (© Luciano Garbati/Courtesy de MWTH Project et Art in the Parks)

Condamnée à la solitude, au silence et à la colère après son viol, punie pour un crime qu’elle n’a pas commis mais subi, Méduse fait l’objet de nombreuses lectures modernes pertinentes, au sein du mouvement #MeToo, entre autres. 

Des choix critiqués

Hyperallergic rapporte que Luciano Garbati avait créé sa version de Méduse en 2008, en réponse à Persée tenant la tête de Méduse, une sculpture en bronze du XVIe siècle signée Benvenuto Cellini. Le renversement opéré par l’artiste argentin a rencontré plusieurs réprobations, la plus importante étant qu’une œuvre supposée appuyer la prise de parole et de pouvoir des femmes ait été conçue par un homme. Pour beaucoup, il s’agit là d’une récupération du mouvement, voire pire, de son retournement, puisqu’il ne permet même pas la mise en lumière du travail d’une femme.

“Persée tenant la tête de Méduse”, 1545 – 1554. (© Benvenuto Cellini/Wikipédia Commons)

Les choix physiques de l’artiste sont également mis en cause. Méduse est complètement nue mais son sexe est invisible et dénué de poils pubiens, une vision phallo centrée et trop frileuse pour montrer un sexe féminin selon les critiques.

La silhouette de Méduse est également critiquée. Sa minceur, ses courbes et muscles bien placés font d’elle, pour certain·e·s, une idéalisation du corps féminin par un homme selon des standards du XXIe siècle. Enfin, les dernier·ère·s pensent qu’il aurait été plus pertinent que la Gorgone tienne la tête décapitée de son violeur, Poséidon, plutôt que de Persée, qui l’a tuée. En somme, les internautes se disent fatigué·e·s de voir les femmes encore et toujours racontées par les hommes et à travers leur corps.

“Méduse avec la tête de Persée” à New York. (© Luciano Garbati/Courtesy de MWTH Project et Art in the Parks)