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Le Museum of Ice Cream est le paradis des influenceurs (et un cauchemar pour ses employés)

Le Museum of Ice Cream est le paradis des influenceurs (et un cauchemar pour ses employés)

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Par Louise Leboyer

Publié le

L'enfer derrière les posts Instagram.

Derrière la promesse de “bonheur, paillettes et crème glacée”, le magazine Forbes révèle l’enfer vécu par une partie des employé·e·s du Museum of Ice Cream. Largement rendu populaire sur Instagram grâce à ses décors rose bonbon, ce musée, installé d’abord à New York, puis également à San Francisco, fait une nouvelle fois parler de lui, mais cette fois-ci, pour les conditions de travail de ses salarié·e·s.

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Le 14 juin dernier, la rédaction du magazine Forbes recevait une lettre signée par “de nombreuses cuillères fondues”, un groupe composé d’1/5 des employé·e·s horaires du musée pour dénoncer leur environnement de travail toxique.

© Museum of Ice Cream

À l’origine de ce musée très médiatisé, on retrouve Maryellis Bunn, auto-surnommée Scream, qui a fondé le lieu en 2016. C’est principalement son comportement à elle qui pose problème, rapporte le magazine.

Au siège social, il est rapporté que la cheffe d’entreprise avait pour habitude de hurler sur ses employé·e·s et de menacer leur contrat si ces dernier·ère·s ne parvenaient pas à assurer le succès des différents événements organisés dans l’enceinte du musée. Une ambiance si insoutenable qu’une pièce était officieusement connue des employé·e·s comme “The Crying Room” (“La pièce où l’on pleure”).

Humiliations, harcèlement…

Humiliations publiques, harcèlement, mise en pièces du travail fourni, les employé·e·s ont même rapporté à Forbes que Scream avait réclamé à un designer de retravailler les uniformes du personnel – notamment les shorts –, parce que “les jambes des personnes grosses sont dégoûtantes”. Un environnement loin d’être limité au siège social, puisque les salarié·e·s des musées, à New York comme à San Francisco, ont eu eux aussi leur lot d’épreuves à supporter.

Parmi les nombreux problèmes rencontrés par le staff : l’impossibilité d’aller aux toilettes. L’une des salarié·e·s, souffrant d’une maladie chronique de l’estomac, explique avoir dû dire à son manager qu’elle était “sur le point de se chier dessus”, pour que ce dernier la laisse enfin utiliser les toilettes. Une autre, qui avait demandé à s’absenter pour changer son tampon, n’a obtenu l’autorisation que quatre heures plus tard. Résultat : un pantalon taché et une infection déclarée quelques jours plus tard.

© Museum of Ice Cream

Des sanctions pour lacet défait

Une expérience loin du discours tenu par la PDG, en 2019, à Forbes. Membre de la fameuse liste “30 Under 30” du magazine en 2018, elle déclarait à propos de l’origine du musée : “Cela a toujours été l’intention, de rassembler les gens sous un amour et une expérience universels.”

Dans cette interview, la femme d’affaires expliquait également qu’il était important que les employé·e·s sur le terrain se sentent bien et participent ainsi à créer des liens avec les visiteur·se·s. Une volonté qui sonne différemment, maintenant que les employé·e·s rapportent qu’elle voulait les voir sourire, chanter et danser “sur les jingles du musée pendant huit heures d’affilée”.

Autre révélation : un système de points et d’avertissements empêchait tout “faux pas” des salarié·e·s – du simple lacet défait à l’arrêt maladie. “Si nous étions malades, nous étions quand même tenus de venir, même si nous manipulions de la nourriture. Sinon nous avions un avertissement, trois avertissements et on était suspendus”, confie un employé.

© Museum of Ice Cream

Faisant valoir son droit de réponse, Maryellis Bunn a communiqué une déclaration écrite dans laquelle elle nie toutes les accusations anonymes, mais s’engage à “trouver des moyens de grandir et d’améliorer le respect de leurs valeurs au quotidien”. Une polémique qui vient renforcer le point de vue d’Erin DeJesus, journaliste au magazine Eater, qui signait, en décembre 2018, une enquête sur l’enfer des “musées” dédiés à la nourriture.

“Les personnes et les organisations derrière ces espaces sont moins intéressées par le soin et l’étude des objets que par la présentation de leurs produits à des participants satisfaits de leurs réseaux sociaux”, écrivait-elle, pointant la place prépondérante accordée à Instagram. Instagram qui, ironie du sort, aura participé au ternissement de l’image du musée et de sa fondatrice, puisque c’est sous un post que les témoignages ont commencé à pleuvoir.

Malgré les risques sanitaires liés au Covid-19, Maryellis Bunn a affirmé son intention de rouvrir les musées de New York et de San Francisco avant la fin du mois. Reste à savoir si la quête du plus beau feed Instagram aura plutôt raison du coronavirus… ou du droit du travail.