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Les ghostwriters, ces plumes anonymes, alimentent aussi les comptes Insta des influenceurs

Les ghostwriters, ces plumes anonymes, alimentent aussi les comptes Insta des influenceurs

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© Natalie Beach

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Par Pauline Allione

Publié le

L’histoire médiatisée de l’amitié toxique qui liait deux jeunes femmes fait la lumière sur ce phénomène.

Depuis quelques semaines, l’influenceuse américaine Caroline Calloway passionne les médias. Plus précisément, depuis que son ex-meilleure amie Natalie Beach a publié un essai devenu viral sur The Cut, intitulé “J’étais Caroline Calloway”.

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La jeune femme y raconte comment, depuis sa rencontre avec Caroline dans un cours d’écriture à l’université de New York, cette amitié toxique l’a peu à peu amenée à devenir l’assistante invisible de son amie.

“Calloway était riche, géniale et jolie, quand Beach était une pauvre étudiante vivant de petits boulots et manquant de confiance en elle. Calloway menait une vie glamour remplie de voyages à l’étranger et de soirées avec des aristocrates. Elle emmenait fréquemment Beach avec elle, même si son amie n’avait pas les moyens de la suivre”, résume The Guardian Australia.

Peu à peu, leur relation se transforme et Natalie Beach commence à corédiger les posts Insta de son amie contre des billets d’avion, un appartement ou de l’argent, tandis que l’influenceuse gagne en popularité. Elle coécrit même avec Caroline l’ébauche d’un livre sur sa vie à partir de son compte Instagram, qui ne sera finalement jamais publié.

“Une sous-classe sans nom et sans visage”

Avec son histoire, Natalie Beach met en lumière le phénomène des ghostwriters : connu dans le monde littéraire, l’écrivain-fantôme possède aussi sa version 2.0. Il se cache derrière un compte Instagram à plusieurs milliers d’abonné·e·s, et participe anonymement à l’ascension sociale d’un·e autre.

En bref, il devient l’artisan du succès d’un·e influenceur·se et s’occupe de publier, légender et gérer ses réseaux à sa place. Tout en acceptant de faire ce job dans l’ombre, sans reconnaissance de son travail. D’après une journaliste de Think sur NBC, Instagram et ses jeux d’influence sont en train de “créer une sous-classe sans nom et sans visage”.

“Pourquoi est-ce que quelqu’un accepterait d’en faire son job ? Combien de personnes le font en ce moment ? Et quel est l’impact de l’effacement professionnel de sa propre identité pour soutenir quelqu’un de plus populaire ?”, interroge la journaliste. Suite à l’article de Natalie Beach, Caroline Calloway n’a pas fait l’autruche et a même décidé d’écrire sa version de l’histoire.

Dans un post Instagram qui précédait la publication de The Cut, elle se confiait sur la perte de sa meilleure amie :

“Est-ce que vous aussi, vous avez des amitiés que vous avez perdues qui vous font toujours mal ?

Cette après-midi, j’ai appris qu’une des deux personnes que j’ai le plus blessées allait publier un essai sur notre amitié dans ‘The Cut’.

Je ne sais même pas quand cet essai sera en ligne mais il sera différent de tous les articles qui sortent sur moi et qui me traitent d’escroc avide de clics.

Tout ce que Natalie dit dans cet article sera brillant, éloquent et vrai. Je sais cela pas parce que j’ai pu lire son essai mais parce que Natalie est la meilleure écrivaine que je connaisse.

Je l’aime encore. Notre amitié s’est terminée il y a deux ans, mais je marche encore dans New York, parfois, en écoutant de la musique, en faisant du shopping, et en pensant à elle. Amsterdam. Je la laisse vous parler de ce voyage qui l’a mise en danger – pas moi – donc peut-être que c’est à elle de vous le raconter. Peut-être qu’elle veut le garder secret. Parfois, je m’étouffe de culpabilité. Parfois, je lui écris des mails dans ma tête. Parfois, j’imagine un futur où nous pourrions être de nouveau amies. Natalie a souffert de toutes les conséquences que cela représente d’être aimée par une addict, et n’a profité d’aucun bienfait que son amitié m’a apporté dans ma guérison. 

En août dernier, Natalie a liké une de mes photos Instagram par accident. Je savais que c’était un accident parce que je connais Natalie. Mais quand même ! Je me suis dit : peut-être qu’elle veut voir comment je vais et redevenir mon amie. Peut-être qu’elle m’aime encore, elle aussi. […]

Mon équipe m’a demandé deux choses : d’ignorer cet article dans mes posts pour ne pas lui apporter du trafic et de leur donner l’adresse mail de Natalie pour qu’ils puissent la joindre. C’est la première fois que je leur désobéis. 

Vous devriez lire l’article de Natalie quand il sortira. Je posterai le lien quand il sera en ligne. Laissez des commentaires […] même si c’est pour m’insulter. Chaque impression numérique sera une raison de plus pour que ‘The Cut’ embauche Natalie et la paie le double la prochaine fois. Et ‘The Cut’ n’a pas une audience qui aime et déteste Caroline Calloway.

Moi, je l’ai. 

Donc commencez à anticiper cet article.

Soyez excités.

Lisez-le. 

J’espère que je peux soutenir Natalie maintenant comme je ne l’ai jamais pu pendant mon addiction.”

De quoi faire réfléchir, encore une fois, sur les effets pervers des réseaux sociaux.