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Pourquoi je ne mettrai jamais des photos de mes enfants sur les réseaux sociaux

Pourquoi je ne mettrai jamais des photos de mes enfants sur les réseaux sociaux

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© Artur Aldyrkhanov/Unsplash

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Par Benjamin Bruel

Publié le

Même la fille de Gwyneth Paltrow en a marre que sa mère l'affiche sur Instagram.

Cela fait des années maintenant qu’on peut le lire partout, à toutes les sauces : une image publiée en ligne peut être vue par beaucoup plus de monde qu’on ne le suppose, être conservée presque indéfiniment ou être partagée par de parfaits inconnu·e·s et ainsi engager, potentiellement, le futur et les droits numériques de votre enfant.

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Au début de la décennie, par manque d’éducation aux enjeux du numérique, ne pas avoir conscience des risques liés à la publication d’images de son enfant en ligne était acceptable. Ce n’est plus le cas en 2019 : parents, pensez-y à deux fois avant de publier le visage de votre cher bambin sur les réseaux sociaux. Piqûre de rappel.

Le consentement, c’est important

En avril dernier, Gwyneth Paltrow s’est fait engueuler par sa fille de 14 ans, Apple Martin, en direct sur Instagram et devant près de 7 millions d’abonné·e·s. Un grand moment d’Internet. Le contexte : une photo montrant la star américaine tout sourire sur un téléski, accompagnée de sa fille qui, elle, ne sourit pas, mais pas du tout, et porte en plus un masque de ski pour cacher son visage.

Sous la photo, un commentaire (depuis supprimé), celui de la jeune Apple : “Maman, nous avons déjà discuté de ça. Tu ne dois pas poster des images de moi sans mon consentement.” Ce à quoi Paltrow avait répondu, selon le Guardian : “Mais on ne peut même pas voir ton visage !”

On est d’accord, ni vous ni moi n’avons la même exposition médiatique que Gwyneth Paltrow, mais ça ne change pas le problème du consentement. Comment se sentira votre enfant dans quelques années s’il découvre par hasard un selfie de vous deux sur Internet à une manifestation politique à laquelle il ne souscrit pas aujourd’hui ?

© Artur Aldyrkhanov/Unsplash

Et même si vous n’êtes pas très “manifestations”, la réflexion est simple. Laissons les enfants être des enfants sans perpétuellement documenter leurs moindres faits et gestes en ligne, de leur première couche au jour de leur baccalauréat. Laissez-les vivre leur meilleure vie et choisir eux-mêmes, une fois en âge, s’ils souhaitent faire apparaître leur visage en ligne. Ou non, comme Apple Martin.

Sur Internet, tout peut tomber entre de mauvaises mains

Vos enfants auront un mot à dire sur leur droit à l’image et, une fois majeurs, pourraient même vous poursuivre juridiquement pour vous forcer à les supprimer. C’est possible en France et c’est déjà arrivé en Autriche. Une amende de 45 000 euros peut être encourue. Certes, le cas est extrême. Mais il prouve que si vous n’êtes pas encore conscient des enjeux de la protection de la vie privée à l’ère numérique, ceux et celles qui ont grandi avec les réseaux sociaux le sont et le seront.

Il est difficile, voire impossible, de contrôler une information ou une image lorsque celle-ci est mise en ligne. Les photos de vos enfants peuvent être conservées, échangées, publiées durant des années. On peut noter deux risques majeurs et immédiats : les images de vos enfants peuvent se retrouver sur des sites douteux et vos enfants peuvent être harcelés à l’école pour des images embarrassantes.

“Il m’est arrivé de recevoir des parents catastrophés en comprenant que des photos de leur fille préado, capturée innocemment en maillot de bain pendant des vacances, s’étaient retrouvées sur un site érotique”, expliquait Justine Atlan, directrice d’e-Enfance, une association de protection de l’enfance sur Internet, au Parisien en 2018.

Même s’il faut veiller à ne pas tomber dans la paranoïa absolue, on sait que des réseaux de pédophiles ont déjà été repérés et démantelés sur Facebook et Instagram. Le réseau TikTok, extrêmement populaire depuis quelques mois, soulève aussi de nombreuses inquiétudes sur l’exposition des préadolescent·e·s en ligne.

Vous ne savez rien du futur (et nous non plus)

Dernier point et pas des moindres : on ne sait pas ce que va devenir Internet, les réseaux sociaux et la technologie en général. Il faut être conscient·e que nos usages numériques évoluent rapidement et que la (mince) frontière entre vie réelle et vie numérique pourrait, dans vingt ans, avoir complètement disparu.

Alors que les technologies de reconnaissance faciale ou d’intelligence artificielle ne cessent d’évoluer, ne présumons pas que les images de nos bambins ne pourraient pas être utilisées à des fins politiques, commerciales ou répressives dans quelques années. Imaginez que l’ensemble des images que vous avez mises en ligne, montrant le visage ou les iris de votre enfant, puissent être utilisées par une entreprise, une organisation (ou même les autorités) pour identifier votre enfant, suivre ses faits et gestes ou ruiner son e-réputation.

Une idée un brin dystopique mais qui rejoint le début de cette tribune. En 2010, il était encore acceptable de ne pas être éduqué·e ou intéressé·e par les questions liées à l’identité numérique et à la vie privée sur Internet. Ce n’est plus le cas à l’orée de l’année 2020.

Préférons les envois privés et les visages cachés

Pour conclure, on fera une recommandation ô combien simple : qu’avons-nous à faire du like de Jacqueline que nous n’avons pas vue depuis tant années et du commentaire pourri de Jean-José ? Rien, absolument rien.

Alors, même si vous ne vous sentez pas vraiment inquiété·e par les questions de vie privée numérique ou de reconnaissance faciale, partagez les images de vos enfants à vos amis et à votre famille par messagerie privée ou cachez leurs visages.