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La #BambiPose, nouvelle tendance Instagram et ode à la fesse (qui a beaucoup à nous apprendre)

La #BambiPose, nouvelle tendance Instagram et ode à la fesse (qui a beaucoup à nous apprendre)

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Par Konbini

Publié le

Sur Instagram, une nouvelle tendance a fait son apparition, la Bambi Pose, pour le plus grand plaisir des abonnés et de ceux qui cherchent à tout interpréter.

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On a connu la #DuckFace, le #FingerMouthing et la #Grimace loin d’être enlaidissante, mais les instagrameurs (ici, en l’occurrence, les instagrameuses) débordent de créativité puisque c’est maintenant la #BambiPose qui fait fureur sur le réseau social. Nommée ainsi en référence au célèbre faon de Disney, qui s’agenouille, croupe exposée et regard de biche tourné vers l’arrière, la #BambiPose présente des jeunes femmes dans la même posture.

Particulièrement popularisée par les Kardashian (la cadette de la fratrie, Kylie Jenner, en est friande), la pose permet d’augmenter le volume des fesses tout en affinant la taille, grâce à un effet d’optique travaillé. Si la tendance peut prêter à sourire, elle est tout de même révélatrice de certaines évolutions sociologiques. Tout d’abord le nom est évocateur, puisqu’en même temps qu’il se réfère à un personnage des plus innocents d’un dessin animé bien connu, ses sonorités en “b” ne sont pas sans rappeler les mots de bimbo, de big butt et même de big boobs (respectivement grosses fesses et gros seins).

En ce qui concerne le mouvement en lui-même, on peut se demander si poser ainsi avec son derrière en évidence ne correspond pas à un signe ostentatoire de richesse et d’opulence. En plus de placer au centre des regards leur fessier, les modèles (souvent jeunes, belles et aux apparences aisées) se retournent sur leur postérieur. Ainsi, si nous sommes, par définition, ne jamais supposés voir nos derrières, que nous laissons au regard d’autrui, se pourrait-il que les adeptes de la Bambi Pose retournent ce rapport de force en offrant d’elles-mêmes leurs chutes de rein et se réapproprient cette passivité forcée ? Si à première vue il ne s’agirait que de filles souhaitant mettre en avant leurs atouts physiques, il est possible de voir plus loin.

Un historique des évolutions corporelles

Tout comme les modes vestimentaires, les tendances corporelles évoluent avec le temps. Une vidéo Buzzfeed retraçait l’histoire des types de silhouettes “idéaux” à travers l’histoire. Sur les cinquante dernières années, on remarque un certain écart entre les types de corps plébiscités. Dans les années 1960, c’est un physique adolescent et androgyne qui est porté à la quintessence de l’élégance. Une élégance représentée par des femmes telles qu’Edie Sedwick, grande amie d’Andy Warhol et socialite américaine, ou Twiggy (surnom qui signifie littéralement brindille), mannequin star des sixties. Les années 1980 voient l’apogée de l’ère des top models à la Cindy Crawford, des femmes grandes et athlétiques, d’apparence saine et qui restent très élancées. Les années 1990 et le début des années 2000 font la part belle à la maigreur assumée de mannequins, à l’exemple de la légendaire Kate Moss.

Les années 2010 voient revenir en flèche un idéal de l’âge d’or hollywoodien, la silhouette en sablier de Marylin Monroe – avec quelques ajustements. Celle-ci consiste à avoir une forte poitrine et des fesses rebondies, tout en gardant un ventre plat et une taille marquée ainsi que des cuisses fines (une anatomie difficilement atteignable naturellement, d’où un recours croissant à la chirurgie esthétique).

En quelques années, c’est un revirement complet qui s’est opéré dans certaines sphères de la société. Terminée la dictature de la minceur : hors des défilés, il n’est plus forcément de bon ton d’afficher une chute de rein inexistante. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce bouleversement.

L’ère de la fesse

Dans les années 2000, le bling-bling est d’usage, Paris Hilton est alors la reine des it girls et elle exhibe ses millions de dollars avec une facilité déconcertante. Si l’extrême minceur est alors signe de hauteur sociale, un glissement s’opère doucement et les fesses deviennent signe d’opulence. Jean-Claude Kaufmann, qui a publié La Guerre des fesses aux éditions JC Lattès en 2013, s’est intéressé aux dessous géopolitiques des diktats associés au volume des derrières féminins.

Selon le sociologue, les postérieurs sont particulièrement mis en valeur en période de crise. Le gras des fesses contenant de “bonnes graisses” (au contraire du gras du ventre par exemple), celui-ci est synonyme de bonne santé. De plus, Jean-Claude Kaufmann explique que les rondeurs du fessier sont tout à fait propres à l’être humain : “Leur magie vient du fait que la fesse est le propre de l’homme. Les animaux, y compris les singes, n’en ont pas : le muscle fessier, ce poétique ‘gluteus maximus’, associé à la bipédie, s’est raffermi avec la station debout. Il s’est développé en même temps que le cerveau.” Un popotin rebondi rassurerait-il inconsciemment sur l’intelligence de celle qui en est dotée ?

Les éditions JC Lattès précise que la minceur du postérieur relèverait de tendances propres à l’hémisphère nord, tandis que l’hémisphère sud aurait toujours été friand de fesses plus volumineuses. Selon Kaufmann, ce changement viendrait donc aussi d’une “revendication culturelle alternative”.

Un revirement paradoxal

Si l’on peut se réjouir de la fin du diktat de la maigreur (hors des défilés en tous cas), il ne faut pas se réjouir trop vite tout de même. En effet, on fait souvent passer cette mode de la silhouette sablier comme une ouverture vers le body positivisme, pourtant, ce n’est ni plus ni moins qu’une nouvelle monarchie d’un type de corps – d’autant plus que cette combinaison gros seins/grosses fesses/taille marquée/cuisses fines est particulièrement difficile à atteindre et ne laisse pas vraiment place à quelque défaillance que ce soit.

D’autant plus que si les adeptes de la Bambi Pose sont tout à fait dans leur droit en sublimant leur corps et en choisissant de l’exhiber, il s’agit tout de même d’une contorsion peu naturelle qui vise à adhérer à ces nouvelles normes de beauté. Certains y voient un symbole d’empowerment de la femme, tandis que d’autres y lisent une continuité de leur asservissement à des diktats imposés le plus souvent par un monde masculin – étant donné l’érotisation inhérente à ce genre de poses.

Bien que cette gloire des fesses ait beaucoup à dire sur l’évolution de nos sociétés, le fait que certaines femmes ressentent le besoin d’exhiber de la sorte leur arrière-train pour se faire une place dans nos fils d’actualité n’est pas forcément révélateur d’une grande avancée concernant les caractéristiques que l’on célèbre chez la femme. Quoi qu’il en soit, force est d’admettre que les manières de poser des hommes ne sont jamais autant passées au peigne fin que celles des femmes. Instagram, outil d’émancipation de la femme ou nouveau carcan dans lequel s’enfermer, la question reste vaste et complexe. Toutefois, ces tendances semblent en dire beaucoup sur l’évolution de notre société.