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Notif’ : rencontre avec Martin Gatineau, futur talent de la photo

Notif’ : rencontre avec Martin Gatineau, futur talent de la photo

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© Martin Gatineau

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Par Konbini

Publié le

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Photographe autodidacte depuis plus de deux ans, Martin Gatineau a tout appris seul. Adepte du portrait, il préfère se laisser guider par ses instincts pour mieux révéler l’insoupçonnable et l’inattendu chez ses modèles. De ses premiers pas derrière l’objectif à ses inspirations, en passant par son rapport avec Instagram, le jeune “artisan” (un terme qu’il préfère à “artiste”) a répondu à nos questions.

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© Martin Gatineau

Bonjour Martin. Tu n’es pas à proprement parler un “photographe professionnel”. Quel est donc ton parcours et comment est née ta passion pour la photo ?

Je fais de la photographie en amateur depuis plus de deux ans. J’ai déjà bossé sur des projets rémunérés mais ça reste avant tout une passion. À côté de ça, j’essaye aussi de me lancer en tant que cinéaste ou vidéaste. Mon parcours est assez chaotique… un peu comme ma vie en général (rires) ! Je n’ai jamais eu de vrai cursus ni de diplômes. Mais j’ai toujours gravité autour du monde de l’art. J’ai eu de nombreux projets que j’ai fini par abandonner par peur du regard des autres.

Un ami, pour qui je posais régulièrement, m’a un jour encouragé à passer “derrière l’objectif”. Il m’a prêté un appareil et je me suis lancé. Mes jobs alimentaires m’ont permis de me concentrer sur mes projets sans craindre la précarité. Je me suis fait tout seul en quelque sorte. D’ailleurs, je me considère plus comme un artisan que comme un artiste.

Comment définirais-tu ton style en trois mots ?

Je dirais nébuleux, onirique et cinématographique.

© Martin Gatineau

Le mystère et la complexité, ce sont des sensations que tu cherches à faire ressentir à travers tes photos ?

Oui, mes portraits sont toujours “parasités” par d’autres éléments comme le flou ou encore des jeux de lumières… Je travaille la lumière comme de la peinture afin de l’altérer ou de la distordre. Je ne suis pas très fan des boîtes de nuit mais ce sont des lieux où les ambiances lumineuses révèlent des caractères et des traits qu’on ne soupçonnerait pas chez une personne.

© Martin Gatineau

J’aime cette idée de réalité altérée. Aujourd’hui, on vit dans un monde où on n’interprète plus. On nous prend par la main, on nous guide vers ce qu’on est censés comprendre ou ressentir. Et on rêve beaucoup de soi… À travers mes photos, j’invite surtout les gens à renouer avec leur imagination et leur empathie.

La majorité de tes photographies partagées sur Instagram sont des portraits, hommes comme femmes. Peux-tu nous en dire davantage sur ton approche technique et artistique ? Comment travailles-tu avec tes modèles en amont ?

Je ne travaille qu’avec des modèles amateur·rice·s et non-professionnel·le·s. Mon approche est très ritualisée. J’ai toujours une idée précise de la direction à prendre et du résultat recherché… Je pose beaucoup de questions à mon modèle mais je n’écoute pas vraiment les réponses. J’observe surtout la manière dont la personne s’exprime. À partir de là, je propose à mon modèle de poser comme étant le contraire de ce qu’il ou elle est. Comme une sorte de doppelgänger à la personnalité complètement opposée.

Valentine. (© Martin Gatineau)

Je pense notamment à Valentine, une modèle habituée à des poses dénudées. Je lui ai donc proposé une autre approche pour un rendu plus artistique et moins aguicheur. De manière générale, un shooting dure entre 5 et 6 heures. Et je mets aussi toujours de la musique ambiante ou classique pour accompagner mes séances.

Quel est ton matériel photo de prédilection ? On trouve notamment dans ton Feed du 35 mm et de l’argentique…

Je travaille avec un argentique et un numérique, que j’utilise aussi pour mes films. Je commence avec le numérique et quand je suis vraiment sûr de moi, je passe à l’argentique qui donne un rendu beaucoup plus figé dans le temps. Et je ne fais pas de retouches ! Il m’arrive d’utiliser un éditeur de photos mais je conserve au maximum un format numérique adapté à tous les écrans de smartphones ou tablettes.

© Martin Gatineau

Qu’est-ce que tu rêverais de photographier ou qui ?

Il y a quelques années, une photo a fait parler d’elle. Elle montrait un couple s’embrasser par terre au milieu d’une émeute et entouré de CRS [un cliché pris lors des manifestations étudiantes à Vancouver, le 15 juin 2011, ndlr]. C’est un tableau que je trouve magnifique. C’est un peu l’amour au milieu du chaos. J’aimerais donc photographier ce genre d’instants.

Peux-tu nous “raconter” ta première publication Instagram ? Qu’est-ce qui t’a, par ailleurs, poussé à exposer tes photos sur ce réseau social ?

C’est un très beau souvenir. J’ai localisé cette série à Mulholland Drive car j’associe toujours mes photos à des lieux évocateurs ou cinématographiques. Cette première photo montre une jeune femme, allongée par terre et visiblement morte.

Celle-ci tient une peluche dans sa main. Je voulais évoquer l’hypersexualisation des jeunes dans notre société, aussi bien dans la mode que dans le cinéma. Mon modèle Mélanie, qui m’a prêté son numérique pour le shooting, incarne une sorte de Lolita encore accrochée à son enfance. C’est l’une de mes photos préférées.

© Martin Gatineau

Après cela, je me suis dit que je tenais peut-être quelque chose d’intéressant et que je pouvais peut-être apporter une proposition dans un environnement très formaté comme Instagram. Aujourd’hui, on est envahis par les réseaux sociaux et les applications. À tel point que la photographie n’est plus vraiment un art parce qu’elle n’est plus une exception. C’est pour cela que je préfère parler d’artisanat.

Quel est ton rapport avec tes abonné·e·s ?

Au tout début, tu te surprends à vouloir voir les mentions “J’aime” exploser. Mais j’ai réussi à différencier le public de mon entourage. J’ai une vraie forme de respect pour celles et ceux qui prennent le temps de me suivre ou commentent mes publications. Pour autant, je ne veux pas tomber dans l’hypocrisie d’un “je vous aime”. Je préfère le respect à l’amour !

Je veux aussi qu’on soit exigeant avec moi, c’est important. Je me souviens d’une fois où Béatrice Dalle a aimé l’une de mes publications. L’ayant toujours considérée comme une icône, j’ai été très honoré. C’est un peu notre Elvira française (rires) ! Ce genre de retours a finalement plus de signification qu’un nombre de likes.

Tu as une organisation particulière dans la publication de tes posts ou tu fonctionnes plutôt à l’instinct ?

Je n’ai aucune gestion particulière. C’est un peu le bordel dans mes publications (rires). Ça ne m’intéresse pas de me soumettre à des règles ou à des algorithmes même si je sais que les chiffres et la visibilité ont leur importance. Je ne veux juste pas céder à cet engrenage. Je préfère rester indépendant. J’ai trop vu de films de science-fiction ou lu des livres dystopiques pour voir où tout ceci mène (rires).

© Martin Gatineau

Aurais-tu des conseils à donner à de jeunes passionné·e·s qui souhaiteraient se lancer à leur tour ?

Abonnez-vous (rires) ! Non plus sérieusement, j’ai entendu dire une fois qu’il y avait une différence entre fantasme et rêve. On assouvit ses fantasmes et on meurt pour ses rêves. Donc, si j’ai un conseil à donner à celles et ceux qui voudraient se lancer, ce serait : suivez votre imagination jusqu’au bout. Lancez-vous et n’écoutez surtout que vous ! Le chemin peut être douloureux mais cela vous apportera beaucoup.