5 fois où les intelligences artificielles n’ont pas respecté l’art

5 fois où les intelligences artificielles n’ont pas respecté l’art

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© Sébastien Bozon/AFP

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Par Julie Morvan

Publié le

Parce que oui, les intelligences artificielles peuvent être insensibles aux subtilités de nos œuvres humaines.

Errare humanum est… Mais du côté des machines, l’erreur est aussi vite arrivée. Lorsqu’il s’agit de modérer ou simplement d’afficher nos créations picturales ou photographiques, les intelligences font excès de zèle et nous surprennent jour après jour, pour le meilleur et pour le pire. Voici cinq méfaits des intelligences artificielles et autres algorithmes.

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Street art

Allons du côté de Google Street View et ses algorithmes de protection de la vie privée. Afin de rendre toute identification d’individu possible, Google Maps a mis au point “une technologie sophistiquée de floutage des visages et des plaques d’immatriculation”.

Une sophistication qui frôle cependant le ridicule : l’algorithme ne sachant faire la différence entre l’art figuratif et de vrais êtres humains, les visages peints sur des façades sont souvent… floutés. Au 91 boulevard Vincent Auriol à Paris par exemple, l’un des deux personnages créés par Conor Harrington s’est fait flouter le visage.

Conor Harrington, “Accolade”. (© Capture d’écran Google Street View)

Sculptures monumentales

Après être tombées sur cette accolade floue lors de notre quête des meilleurs spots de street art parisiens, on n’a pas pu s’empêcher d’aller vérifier si d’autres œuvres d’art avaient aussi été victimes de ce floutage. Bingo : l’emblématique statue de la Liberté n’a pas non plus été épargnée.

Gustave Eiffel, “Statue de la Liberté”. (© Capture d’écran de Google Street View)

La peinture

L’Origine du monde est une œuvre d’art mondialement connue, peinte par Gustave Courbet. Elle est aussi exposée au musée d’Orsay depuis 1995, mais ce n’est apparemment pas une raison suffisante pour Facebook. Lorsque M. Durand-Baïssas a partagé une photo de la peinture en 2011, son compte a tout simplement été désactivé pour non-respect des règles d’utilisation.

Une plainte pour atteinte à la liberté d’expression, un procès et huit ans plus tard, l’histoire s’est conclue en demi-teinte. Le tribunal a jugé illicite l’attitude de Facebook concernant la désactivation du compte, mais ce dernier n’a jamais été réactivé pour autant. Un jugement qui s’est contenté de pointer du doigt la forme, sans s’attaquer au nœud du problème : la censure d’une œuvre d’art mondialement reconnue, tout ça parce qu’elle représente une partie de l’anatomie féminine.

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La photographie 

Du côté d’Instagram aussi, les corps des femmes, des personnes LGBTQ+ ou des travailleuses du sexe se sont retrouvés censurés sans raison. Ce fut par exemple le cas de la désormais célèbre photographie de Rupi Kaur, représentant une jeune femme de dos avec une tache de sang sur son pantalon. Ou quand les règles ne sont pas comprises par les règles.

Il s’agissait d’une série de photographies réalisée pour un cours de rhétorique de l’image. “Le professeur nous avait demandé de faire un projet qui instaurerait un dialogue sans mots mais par le biais d’une image attaquant les normes sociales”, avait raconté la photographe au Huffington Post. Elle avait donc répliqué en repostant sa création sur Facebook où les algorithmes n’entravaient (étonnamment) pas la visibilité de l’œuvre.

thank you Instagram for providing me with the exact response my work was created to critique. you deleted my photo twice...

Publiée par Rupi Kaur sur Mercredi 25 mars 2015

Aujourd’hui, la photographie est finalement visible sur Instagram aussi. Selon la poète Rupi Kaur, c’est la victoire d’une bataille, mais pas de la guerre contre la misogynie et le sexisme. L’artiste dénonçait justement la censure des algorithmes dans ce message : “Merci Instagram de me fournir la réaction exacte que mon projet vise à dénoncer. Vous avez supprimé ma photo deux fois, prétendant qu’elle enfreignait les règles de la communauté. Je ne m’excuserai pas de ne pas nourrir l’ego et la fierté d’une société misogyne qui accepte de montrer mon corps en sous-vêtements mais pas si j’ai mes règles.”

Les nus artistiques

En ligne de mire : le réseau social de l’image par excellence, Instagram. Il fait office de véritable lieu d’exposition virtuel pour des milliers de photographes. Certain·e·s artistes y sont pourtant régulièrement censuré·e·s : la faute à ses algorithmes prétendant lutter contre tout contenu pouvant “être sexuellement explicite ou suggestif”même s’il s’agit d’une simple poitrine de femme.

Barbara Butch, DJ et activiste engagée contre la grossophobie, avait par exemple dénoncé la censure de la couverture de Télérama sur laquelle elle apparaissait nue, la poitrine couverte. Une vague de protestation avait déferlé sur Instagram, notamment animée par la mannequin Nyome Nicholas-Williams.

Instagram avait alors annoncé améliorer sa politique de modération en complétant l’expertise de l’intelligence artificielle par “plus de cinquante experts spécialisés”… Une initiative pourtant insuffisante car, quelques mois plus tard, Barbara Butch écrivait :

“Bon alors vous avez vu les articles et tout le taf de Nyome Nicholas-Williams. Les règles d’Insta ont a priori changé. Blablabla Instagram a changé l’algorithme blablabla. En fait depuis ce matin, je reçois des témoignages à tout-va, de personnes qui se font encore et toujours censurer pour nudité, acte sexuel, pornographie. […] C’est vraiment épuisant de voir ça, qu’encore une fois nos corps sont tout le temps sexualisés. Cette photo n’a rien de sexuel quand je la poste. Cette photo, c’est moi qui essaie d’être heureuse malgré toute cette période de merde.”