À Paris, une expo célèbre la relation forte entre les peintures de Picasso et la musique

À Paris, une expo célèbre la relation forte entre les peintures de Picasso et la musique

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© Michel Mako/Gamma-Rapho via Getty Images

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Une exposition qui prouve que Pablo Picasso était un vrai mélomane et que la musique a inspiré une grande partie de son œuvre.

“Je n’aime pas la musique”, aurait dit Pablo Picasso. Mais une exposition inédite à Paris montre que le génie espagnol était un passionné de rythmes populaires, un explorateur minutieux d’instruments et surtout, le créateur d’une vraie musique pittoresque.

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“Il n’était pas mélomane ; a priori, il ne savait pas lire une partition, il n’avait pas besoin de la musique pour travailler comme Chagall”, Matisse ou Braque, affirme à l’AFP Cécile Godefroy, commissaire de l’exposition “Les musiques de Picasso” à la Philharmonie de Paris, qui court jusqu’au 3 janvier.

Pablo Picasso, “Violon”, Paris, 1915, tôle découpée, pliée, peinte et fil de fer, Musée national Picasso, Paris, dation Pablo Picasso, 1979. (© Succession Picasso 2020/Photo : © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris)/Adrien Didierjean)

Picasso, indéniablement mélomane

Pourtant, l’œuvre de l’artiste, l’un des plus célébrés au monde et qui a fait l’objet d’un nombre incalculable d’expositions, “regorge d’instruments, de musiciens, de danse”, dit-elle. Il y a quatre ans, cette historienne de l’art a pris pour point de départ de l’exposition cette affirmation qui semble chez lui contradictoire, ce “je n’aime pas la musique”, attribuée à Picasso par la journaliste française Hélène Parmelin dans les années 1960.

L’exposition – retardée de cinq mois en raison du coronavirus – rassemble plus de 250 œuvres en lien avec la musique, avec entre autres des toiles comme Violon et feuille de musique, Nature morte au piano, La Femme au tambourin. On y retrouve aussi trois sculptures en terre cuite blanche représentant des joueurs de flûte et de diaule (une flûte double à deux corps provenant de l’Antiquité). Elles avaient été créées pour le jardin de sa villa “La Californie” sur la Côte d’Azur où il vécut durant les années 1950.

Pablo Picasso, “La Flûte de Pan”, Paris, automne 1923, huile sur toile, Musée national Picasso, Paris, dation Pablo Picasso, 1979. (© Succession Picasso 2020/Photo : © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris)/Adrien Didierjean)

La mélodie de son enfance

À l’origine de cette attirance, une enfance aux côtés d’un père, José Ruiz y Blasco, passionné de flamenco. Petit, “il traînait dans les quartiers gitans de Malaga [sa ville natale, ndlr] en compagnie de son père et ça l’a beaucoup marqué”, d’après Mme Godefroy. Cela lui a surtout donné un goût pour la musique populaire, comme celle qu’il écoutera plus tard d’artistes ambulant·e·s à Barcelone, dans les corridas, le cirque et les cabarets du quartier de Montmartre, où il s’installa en 1909.

C’est “cette musique de fond de salle, bruyante [qui] se partage, [qui] est fraternelle” que reflète Picasso dans ses premières toiles, notamment à travers la figure d’Arlequin, comme celui qui joue, le regard triste, une petite guitare dans une peinture à l’huile. Sans surprise, la guitare était son “instrument favori”, un symbole en relation avec son Espagne natale, note la commissaire. La figure du saltimbanque, qui devient une forme d’auto-représentation de l’artiste, est présente à travers son œuvre prolifique.

Pablo Picasso, “Violon et feuille de musique”, Paris, automne 1912, papiers vergés de couleur, papier vélin blanc imprimé d’une partition de musique et papier d’emballage vélin brun découpés et collés sur carton, Musée national Picasso, Paris, dation Pablo Picasso, 1979. (© Succession Picasso 2020/Photo : © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris)/Adrien Didierjean)

Les instruments collectionnés par Picasso sont exposés

L’exposition réunit pour la première fois une vingtaine d’instruments à cordes et à vent que Picasso collectionnait pour les étudier, avec une méthodologie digne d’un scientifique. Dans sa période cubiste, l’artiste, qui a vécu la majeure partie de sa vie en France, démontait des objets pour les recréer, que ce soit avec un morceau de carton ou sur une toile.

Dans les instruments, “tout y est, même les composantes qui sont invisibles”, comme Le Violon, peinture à l’huile de 1914. Compagnon pendant près de vingt ans de la ballerine Olga Khokholova et ami de grands musiciens comme Erik Satie et Igor Stravinsky, il n’était peut-être pas mélomane mais on “voyait bien que tout ce qui représentait la musique le fascinait”, souligne la commissaire.

Photographe anonyme, “Picasso devant ‘Construction au joueur de guitare’, dans son atelier du 242, boulevard Raspail Paris”, début 1913. (© Succession Picasso 2020/Archives Olga Ruiz-Picasso, Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte, Madrid/photographe inconnu, tous droits réservés)

Musicien·ne·s et ballerines ont habité toutes ses périodes successives, y compris le néoclassique, ce qu’illustre bien le chef-d’œuvre La Flûte de Pan (1923), qui représente un adolescent jouant du syrinx auprès d’un autre dans un décor théâtral d’inspiration méditerranéenne.

Vers la fin de sa vie, la musique se convertit en une célébration. Faunes, satyres et autres personnages mythologiques peuplent ses œuvres qui débordent d’énergie et de sensualité et font “entendre” une musique pittoresque qui fait allusion à l’univers du peintre.

Anonyme, xylophone bala, Afrique de l’Ouest, XXe siècle. Bois, calebasse fibre végétale, papier, cuir. Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte, Madrid. (© Succession Picasso 2020/FABA/Photo : © Hugard & Vanoverschelde Photography)

Pablo Picasso, “La Femme au tambourin”, Paris, début 1939, aquatinte et grattoir sur cuivre, 5e état, épreuve d’essai sur papier tirée par Lacourière, Musée national Picasso, Paris, dation Pablo Picasso, 1979. (© Succession Picasso 2020/Photo : © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris)/Adrien Didierjean)

Pablo Picasso, “L’Aubade”, Mougins, 19-20 janvier 1965, huile sur toile, Association des Amis du Petit Palais, Genève. (© Succession Picasso 2020/Photo : © Studio Monique Bernaz, Genève)

Pablo Picasso, “Arlequin à la guitare, Paris”, 1918, huile sur bois, Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie, Museum Berggruen. (© Succession Picasso 2020/bpk/Nationalgalerie, SMB, Museum Berggruen/Jens Ziehe)

Pablo Picasso, “Nature morte à la mandoline”, Juan-les-Pins, 1924, huile sur toile, Stedelijk Museum, Amsterdam. (© Succession Picasso 2020/P. A. Regnault Collection)

“Les musiques de Picasso”, une exposition à voir à la Philharmonie de Paris, jusqu’au 3 janvier 2021.

Avec AFP.