À Paris, une exposition explore les frontières, la migration et l’identité

À Paris, une exposition explore les frontières, la migration et l’identité

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© Jean David Nkot

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Quatorze artistes camerounais, sénégalais, malgaches, marocains ou encore maliens ont été invités à explorer un même thème.

De Douala à Tanger, en passant par Ceuta et Alger, des artistes africain·e·s explorent les thèmes de la migration, des frontières et de l’identité dans un travail intimiste et mélancolique exposé à Paris, à l’Institut des cultures d’Islam. Baptisée “Zone franche”, l’exposition en ligne – pour cause de crise sanitaire – est le fruit de deux années de travail entre trois structures artistiques au Maroc, au Cameroun et en France, explique Marilyn Douala Manga Bell, l’une des commissaires de l’exposition. “Nous avons rencontré une centaine d’acteurs locaux, des artistes, des commerçants, des associations, c’est une véritable aventure collective”, souligne-t-elle.

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Quatorze artistes camerounais·es, sénégalais·es, malgaches, marocain·e·s ou encore malien·ne·s ont été invité·e·s à travailler autour des thématiques du voyage, des flux de personnes, de marchandises et d’idées, à travers le continent africain et vers l’Europe. Le titre “Zone franche” – du nom de ces enclaves économiques présentant des avantages fiscaux pour attirer l’investissement – est rapidement devenu “une évidence” car il s’applique aussi bien à la Goutte d’Or, la “petite Afrique de Paris”, qu’à Tanger et Douala, explique la commissaire. “Et puis dans ‘zone franche’, il y a aussi les notions de franchise et d’affranchissement”, ajoute-t-elle.

“Friction”, Tanger, 2018. (© Hicham Gardaf/Galerie 127)

La première partie de l’exposition est consacrée aux frontières, avec notamment l’œuvre de l’artiste marocaine Fatiha Zemmouri : de grandes cartes géographiques en tôle froissées comme par la main d’un géant et jetées à terre dans “un geste de colère” contre les frontières et les murs de séparation érigés partout dans le monde.

Avec Technicien de surface, le Camerounais Jean David Nkot, lui, fait le portrait de deux ouvriers bien réels de Douala, partis en quête d’Europe mais finalement restés sur le continent, qu’ils ont sillonné pour travailler. En arrière-plan de leur visage, une cartographie imaginaire d’Afrique ponctuée des noms d’entreprises qui les ont employés : Eiffage, Vinci… Dans la même salle, Saïdou Dicko expose des dessins pleins de tendresse évoquant son enfance de petit berger peul, un peuple qui se joue des frontières justement, dans le nord du Burkina Faso.

Saidou Dicko, “Le chevreau”.

Stratégies de survie

Le deuxième volet de “Zone franche” interroge les stratégies de survie et de résilience dans un environnement hostile ou indifférent. C’est une photo de Sabrina Belouaar montrant la main pleine de bijoux d’une “vendeuse d’or” d’Alger, ces femmes veuves ou divorcées qui vendent leur dot et celle des autres pour survivre.

Ou encore Bab Sebta, un film de l’artiste marocaine Randa Maroufi, qui observe le ballet des porteur·se·s de marchandises dans l’enclave espagnole de Ceuta au Maroc et filme “la tension si particulière” qu’il y a aux frontières. L’exposition explore enfin des thématiques plus intimes, car “les hommes voyagent avec leurs croyances, leur spiritualité et leurs rencontres”, rappelle la directrice artistique Bérénice Saliou.

Jean David Nkot, “PO. BOX, Surface Technician”, détail, 2019

Es-tu purifié ?, l’œuvre du Camerounais Salifou Lindou invite ainsi le public à déambuler sur des nattes de prières multicolores en plastique, très utilisées au Sahel, et sous des bouilloires en plastique servant aux ablutions, d’où s’échappent des musiques traditionnelles du Mali ou du Soudan.

En quête de ses origines, Smaïl Kanouté, qui se décrit comme “Malien à Paris et Français au Mali”, a dressé pour sa part une constellation généalogique de son village familial au Mali, pour “retransmettre une mémoire de façon graphique”, et jette, grâce à ses dessins et de petites vidéos tournées au village, des ponts avec celles et ceux qui sont parti·e·s et ont fait leur vie en France.

“Sans titre”, Tanger, 2014. (© Hicham Gardaf/Galerie 127)

Saidou Dicko, “La princesse du dimanche”.

Mariam Abouzid Souali, “Quand c’est gratuit, c’est qui le produit ?”, 2019.

L’exposition “Zone franche” est visible jusqu’au 1er août 2021, à l’Institut des cultures d’Islam, à Paris. La visite se fait pour le moment en ligne, en attendant la réouverture des musées.

Avec AFP.