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Café, thé, hibiscus, pelures de fruits : comment crée-t-on des couleurs ?

Café, thé, hibiscus, pelures de fruits : comment crée-t-on des couleurs ?

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© Ahmed Alsawi/AFPTV/AFP

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Dans son atelier, l’artiste soudanais Mouataz al-Fateh cuisine des couleurs et teintes.

Café, thé, hibiscus ou encore pelures de fruits : on pourrait croire qu’il va rentrer en cuisine, mais les ingrédients que le Soudanais Mouataz al-Fateh rassemble servent en fait… à ses peintures. Dans sa galerie encombrée de nombreux tableaux représentant des scènes de la vie quotidienne, au milieu de portraits de Soudanais·es en tenues traditionnelles ou de dessins abstraits, cet habitant de Khartoum de 39 ans est intarissable sur ses pigments naturels.

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Rien qu’avec des feuilles d’hibiscus, l’artiste peut tirer des pigments de bleu, de violet et de rouge. Le café, plutôt que de le boire, il l’utilise pour peindre en marron, en beige et en doré. Et quand il doit utiliser du noir ou du gris dans ses dessins, il décortique quelques dattes pour en écraser les noyaux.

Pour élargir encore sa palette, il utilise des couleurs extraites des fruits du palmier doum et du baobab, dans son grand pays désertique, le Soudan, où la forêt ne couvre que 10 % des terres. Pour beaucoup, dit-il à l’AFP, tout cela n’est que de “la nourriture”. Mais en réalité, poursuit-il, “on peut en extraire des couleurs magnifiques”.

Le peintre dit avoir une “vision spéciale de l’art” et porter un “intérêt particulier pour les matériaux naturels”. Pour que ses pigments tiennent, il a aussi à portée de main une manne enviée par le monde entier : la gomme arabique, une résine d’acacia devenue l’ingrédient-clé des sodas les plus célèbres, dont le Soudan est le premier producteur mondial.

Si ses ingrédients sont insolites, ses toiles le sont aussi parfois. Pendant la révolte populaire qui a renversé le dictateur Omar el-Béchir en 2019, il a peint sur un mur “Liberté, paix et justice”. Avec les avaries du temps, il aurait souhaité redonner un coup de pinceau mais cette peinture est aux portes du QG de l’armée et il n’a plus jamais pu s’en approcher.

“Je ne peux pas la refaire aujourd’hui, j’ai essayé mais j’en ai été empêché”, raconte-t-il, alors qu’en octobre, le chef de l’armée mettait un coup d’arrêt à la marche vers la démocratie. Depuis son putsch, le Soudan est englué dans une profonde crise politique et le coût de la vie ne cesse de flamber. Pour M. Fateh, ses pigments naturels pourraient aider de nombreux·ses artistes. “Ils sont bon marché et très faciles à trouver, certains sont même gratuits”, plaide-t-il.

Konbini arts avec AFP