La France acte la restitution d’objets d’art pillés au Sénégal et au Bénin

La France acte la restitution d’objets d’art pillés au Sénégal et au Bénin

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Par Lise Lanot

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Des objets pillés pendant la colonisation seront restitués "pour une relation d'amitié nouvelle entre la France et l'Afrique".

La France va officialiser la restitution d’un sabre historique au Sénégal. Dans les prochains mois, 26 objets du patrimoine seront retournés au Bénin, dans le cadre de la décision de restituer des œuvres culturelles prises pendant la colonisation en Afrique.

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Le gouvernement a examiné mercredi le premier projet de loi permettant le transfert d’œuvres culturelles vers leur pays d’origine, que le président Emmanuel Macron avait initié dans son discours de Ouagadougou, le 28 novembre 2017, sur une refondation du partenariat culturel entre la France et l’Afrique.

Le 17 novembre 2019, le président sénégalais Macky Sall recevait le sabre d’El Hadj Oumar Tall lors d’une cérémonie avec l’ancien Premier ministre français Édouard Philippe, au palais de la République, à Dakar, au Sénégal. (© Seyllou/AFP)

Cette restitution “correspond à un engagement très fort pris par le président de la République pour que la jeunesse africaine ait la possibilité d’accéder à son patrimoine, à son histoire, en Afrique”, a expliqué le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, à l’issue du Conseil des ministres. Elle est “l’un des enjeux essentiels pour une relation d’amitié nouvelle entre la France et l’Afrique”, selon lui.

26 objets pillés et conservés depuis 128 ans

Pour cela, le projet de loi autorise, “par une dérogation limitée au principe essentiel d’inaliénabilité applicable aux collections publiques françaises”, le transfert au Bénin de la propriété de 26 objets pillés lors du sac du palais des rois d’Abomey par des troupes coloniales françaises en 1892. Ces totems et spectres, actuellement conservés au musée du quai Branly-Jacques Chirac, à Paris, seront exposés dans un lieu public au Bénin.

Au Sénégal, la France restitue formellement un sabre que l’ex-Premier ministre français Édouard Philippe avait symboliquement remis en novembre dernier au président Macky Sall. Cette arme est historiquement significative, puisqu’elle a appartenu à El Hadj Oumar Tall, un chef de guerre et érudit musulman qui a conquis au XIXe siècle un immense territoire à cheval sur le Sénégal, la Guinée et le Mali, et a lutté contre l’armée coloniale française.

Le 17 novembre 2019, le président sénégalais Macky Sall recevait le sabre d’El Hadj Oumar Tall des mains de l’ancien Premier ministre français Édouard Philippe, au palais de la République, à Dakar, au Sénégal. (© Seyllou/AFP)

“Dans les deux cas, le projet de loi prévoit un délai maximal d’une année pour la remise, par les autorités françaises, de ces œuvres”, précise le gouvernement, qui n’a pas indiqué si de nouvelles œuvres allaient être restituées à d’autres pays comme la Côte d’Ivoire.

90 000 œuvres africaines dans les musées français

Emmanuel Macron avait annoncé ces décisions fin 2018 sur la base d’un rapport des universitaires Bénédicte Savoy, du Collège de France et Felwine Sarr, de l’université de Saint-Louis au Sénégal, qui ont recensé 90 000 œuvres africaines dans des musées français.

Leurs travaux ont été contestés par d’autres spécialistes et des musées comme le quai Branly, qui dispose de la plus importante collection “d’arts premiers”. Ces spécialistes craignaient une politisation du débat et des arguments selon lesquels toutes les œuvres en dépôt chez eux depuis la colonisation ont été malhonnêtement acquises ou pillées et doivent être rendues.

Ils ont déclaré vouloir privilégier la “circulation” des œuvres entre la France et l’Afrique, plutôt que des restitutions, sauf quand, comme c’est le cas pour les statues du palais royal d’Abomey, le pillage par des soldats français a été flagrant. Le chemin est long.

Konbini avec AFP.