La dessinatrice qui a croqué les plus vils criminels de notre époque lors de leurs procès

La dessinatrice qui a croqué les plus vils criminels de notre époque lors de leurs procès

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© Jane Rosenberg

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Harvey Weinstein, Jeffrey Epstein, El Chapo... Ils sont tous passés sous le coup de crayon de Jane Rosenberg.

Violeurs, pédophiles ou barons de la drogue… Elle en a vu passer un grand nombre sous ses yeux. Jane Rosenberg est dessinatrice, et passe le plus clair de son temps à fouler les tribunaux pour réaliser des croquis d’audience.

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Le croquis d’audience est un dessin esquissé durant les procès, qui sert d’illustration à la presse ou pour des archives, puisque les photographes ne sont pas autorisé·e·s à immortaliser ces scènes d’audience (aux États-Unis et en France, notamment). Au XVIe siècle, on usait de la gravure.

Steve Bannon. (© Jane Rosenberg)

Le croquis doit rester fidèle à la réalité et l’artiste doit souvent travailler dans l’urgence afin d’avoir le temps de croquer plusieurs scènes et d’analyser tous les détails, les expressions et la scène entière avec le corps judiciaire au complet (avocat·e·s, juges, magistrat·e·s, témoins, victimes…).

Les protagonistes sont souvent en mouvement, parlent, se déplacent, se dissimulent, donc il faut adopter une certaine dextérité et savoir opérer en une dizaine de minutes. Dans un second temps, l’artiste apporte des touches de couleurs et retravaille son tracé afin de rendre l’image exploitable pour la presse. Cette réactivité, Rosenberg l’a acquise dès ses débuts, quand elle esquissait des portraits à la volée, dans les rues de Provincetown, dans le Massachusetts. 

“Je ne peux pas dessiner avec des larmes dans les yeux”

Harvey Weinstein. (© Jane Rosenberg)

Faisant partie d’un collectif d’artistes uniquement féminines, l’Américaine de 40 ans est donc habituée à voir et à analyser les traits des plus grand·e·s criminel·le·s de notre époque. Si on peut considérer cette pratique comme étant essentiellement photojournalistique et documentaire, Rosenberg regrette que ses portraits ne soient pas perçus davantage comme une forme d’art. Mais les mentalités évoluent, comme elle le fait remarquer à Hyperallergic.

“Nous sommes des artistes figuratifs, avec une formation classique, qui travaillons sous pression. Mais les choses changent avec les réseaux sociaux. On m’a dit que mes dessins devenaient viraux sur Twitter, donc ce n’est pas si mauvais comparé à avant. À l’époque, les galeries n’auraient pas reconnu les croquis d’audience comme de l’art.”

Steve Bannon. (© Jane Rosenberg)

En effet, son récent croquis de Steve Bannon, l’ancien conseiller stratégique de Donald Trump, inculpé pour détournements de fonds, le dépeignant menotté et portant un masque, a fait le tour de la Toile en août dernier.

Début septembre, soixante dessins de Rosenberg étaient exposés à la Cour de district des États-Unis, à New York et en 2017, elle voyait ses œuvres exhibées à la bibliothèque du Congrès dans le cadre d’un événement artistique collectif.

Jeffrey Epstein. (© Jane Rosenberg)

Parmi les accusé·e·s et condamné·e·s qu’elle a figé·e·s sous ses pastels, nous comptons El Chapo, Jeffrey Epstein, Ghislaine Maxwell, Harvey Weinstein, Bill Cosby, Dzhokhar Tsarnaev (un des frères ayant commis les attentats de Boston avec des bombes à autocuiseur) et Mark David Chapman (qui a tué John Lennon en 1980).

Quand Jane Rosenberg se retrouve face à ces criminel·le·s, elle opte pour une attitude neutre et s’attache à garder une certaine distance avec le sujet traité.

“J’essaie de rester neutre mais il m’est arrivé de pleurer lors de procès, après avoir entendu un témoignage terrible. Parfois, je me retrouve face à des photos de crimes et des personnes horribles. Mais je dois garder cette neutralité et livrer des images telles qu’elles sont dans la réalité. Je ne peux pas dessiner avec des larmes dans les yeux.”

Les couleurs chaudes et boisées des dessins de Jane Rosenberg nous offrent une incursion directe dans l’espace où les plus vil·e·s se font juger, parfois dans la froideur de leur esprit, parfois dans leur culpabilité. Elles témoignent de moments historiques aussi bien du côté du banc des accusé·e·s que des victimes.

Au procès d’El Chapo. (© Jane Rosenberg)

Dzhokhar Tsarnaev. (© Jane Rosenberg)

Mark David Chapman. (© Jane Rosenberg)

Bill Cosby. (© Jane Rosenberg)

Au procès d’El Chapo. (© Jane Rosenberg)

Steve Bannon. (© Jane Rosenberg)