Laurence des Cars, première femme à diriger le plus grand musée du monde

Laurence des Cars, première femme à diriger le plus grand musée du monde

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© Stéphane Cardinale-Corbis/Corbis/Getty Images

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Par Lise Lanot

Publié le

La nouvelle directrice a pour projet d’ouvrir le Louvre à tous, notamment aux plus jeunes.

La présidente du Musée d’Orsay et du Musée de l’Orangerie Laurence des Cars a été choisie par l’Élysée pour prendre la tête du Louvre, “le musée le plus visité au monde”, dont elle veut faire “une chambre d’écho de la société”. Première femme à accéder à la tête du musée depuis sa création en 1793, l’annonce de sa nomination par Emmanuel Macron a été faite ce matin par France Inter.

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Cette spécialiste de l’art du XIXe siècle et du début du XXe siècle se veut une directrice de son temps, se mobilisant pour un accès plus large des jeunes au musée, pour les restitutions d’œuvres spoliées par les nazis ou encore pour des expositions en lien avec des débats d’actualité.

Laurence des Cars, 2017. (© Matthias Balk/Picture Alliance via Getty Images)

Elle succédera le 1er septembre 2021 à Jean-Luc Martinez, qui aura passé huit ans à la tête du Louvre – travaillant à le “rendre plus accessible à tous les publics” et œuvrant à la mise en place de projets nationaux et internationaux, comme le Louvre Abou Dhabi.

L’historienne de l’art de 54 ans a annoncé faire de l’accessibilité au musée (notamment à l’égard des jeunes) et son universalisation ses champs de bataille :

“[J’ai voulu] réfléchir à ce qu’est un ‘musée universel’ : c’est l’étiquette qu’on colle au Louvre, à tort d’ailleurs parce qu’il ne l’est pas tout à fait. Il n’y a pas tous les arts, il n’y a pas toutes les civilisations et les cultures au Louvre, mais il y a une vocation universelle, et c’est ça qui m’intéresse. Le Louvre peut être pleinement contemporain, il peut s’ouvrir au monde d’aujourd’hui tout en nous parlant du passé, en donnant une pertinence au présent par le poids du passé.

Nous avons besoin de temps long, nous avons besoin de perspective, nous sortons d’une crise déstabilisante, nous vivons dans une époque passionnante mais compliquée… Nous sommes tous un peu en perte de repère, je pense que le Louvre a beaucoup de choses à dire à la jeunesse aussi, qui va être au centre de mes préoccupations en tant que présidente du Louvre”, a-t-elle détaillé au micro de France Inter.

Une volonté de s’ancrer “au sein des grands enjeux de société”

En avril dernier, Laurence des Cars évoquait auprès de l’AFP sa vision d’un musée dont la programmation serait ancrée “au sein des grands enjeux de société, en attirant ainsi les nouvelles générations”. “Dans un monde qui peut chahuter, rejeter le musée”, elle affirme vouloir s’adresser aux “visiteurs de tous les âges et de toutes les origines socioculturelles”.

Son projet pour le Louvre, se félicite-t-on, vise à “accueillir la polyphonie du monde dans un musée en résonance” avec la société : place des femmes dans les collections, provenance des œuvres… “Ce qui a beaucoup intéressé le président, c’est qu’elle sente que les débats de société sont entrés dans les musées et regarde comment ne pas subir ces débats mais les traiter par l’art et le spectacle vivant, en invitant notamment des artistes”, a indiqué un conseiller de l’Élysée.

Le Louvre le 7 mai 2020. (© Stéphane Cardinale-Corbis/Corbis via Getty Images)

“Une conservatrice reconnue, de stature internationale”

La nouvelle directrice a annoncé sa première mesure, la création d’un neuvième département, consacré à Byzance et aux chrétien·ne·s d’Orient. Elle a été remarquée pour son dynamisme, avec notamment le chantier “Orsay Grand ouvert” et l’exposition “Le Modèle noir” en 2019.

“Elle a été choisie car conservatrice reconnue, de stature internationale, ayant très bien réussi à Orsay, ayant une connaissance du Louvre car à la manœuvre sur le Louvre Abou Dhabi de 2007 à 2014”, a expliqué l’Élysée.

Sous son mandat, le nombre de visiteur·se·s d’Orsay, l’un des plus grands musées d’Europe pour la période allant de 1848 à 1914, n’a cessé de croître : jusqu’à 3 700 000 visiteur·se·s en 2019, avec un niveau d’auto-financement atteignant les 64 %.

Dix millions de visiteur·se·s en 2019

“Laurence des Cars aura à écrire une nouvelle page de l’histoire du plus grand musée du monde. Le Louvre doit se réinventer dans le monde de l’après-crise, devenir plus encore qu’aujourd’hui, un lieu de contemplation et de réflexion ouvert à tous”, a réagi la ministre de la Culture Roselyne Bachelot.

Jean-Luc Martinez, 57 ans, briguait un troisième mandat et assurait l’intérim depuis le 13 avril. Il est nommé par Emmanuel Macron premier ambassadeur pour la coopération internationale dans le domaine du patrimoine. Il sera chargé de la poursuite de la politique des restitutions et de la lutte contre le trafic international d’œuvres d’art.

Très sensible à l’accès au Louvre de tous les publics, Jean-Luc Martinez a modernisé le musée de sorte que le nombre de visiteur·se·s dépasse les dix millions en 2019 (dont 71 % d’étranger·ère·s), avant d’être frappé par la pandémie du Covid-19.

L’archéologue de formation a également développé les billetteries en ligne, créé des nocturnes, une “petite galerie” pour les familles, ordonné des travaux d’agrandissement et engagé la restauration du jardin des Tuileries.

Jean-Luc Martinez aura aussi conduit l’important projet du Louvre Abou Dhabi, intensifié les prêts et dépôts en province. Et inauguré en 2019 un centre ultra-moderne de conservation des réserves, à Liévin, à côté du Louvre-Lens.

Son approche pour compléter les ressources a cependant été discutée. Ayant intensifié la commercialisation de la marque à de grandes enseignes (Airbnb, Uniqlo, Alibaba, etc.), il a été accusé par ses adversaires de brader les symboles du Louvre. Ses opposant·e·s lui reprochaient aussi d’avoir freiné les expositions d’art contemporain dans la vénérable institution.

À l’Élysée, “on salue un bilan exceptionnel de Jean-Luc Martinez, qui aura réussi à rajeunir et à renouveler le public, à développer l’éducation artistique et les projets territoriaux”. Jean-Luc Martinez et Laurence des Cars “se connaissent bien et se respectent”, le changement ne doit “être aucunement perçu comme un désaveu” mais répond à la volonté d’“ouvrir un nouveau chapitre” dans “une approche plus contemporaine, sociétale” du musée, a ajouté un conseiller d’Emmanuel Macron.

Ce matin sur France Inter, Laurence des Cars a d’ailleurs tenu à avoir un mot pour son prédécesseur : “Et je voulais profiter de votre micro pour saluer amicalement Jean-Luc Martinez, lui dire combien je salue son travail accompli depuis huit ans. Je me réjouis de travailler avec lui dans les quelques mois qui viennent, puisqu’il y aura une période de transition.”

Avec AFP.