Pour la première fois en 200 ans, un pigment bleu naturel a été découvert

Pour la première fois en 200 ans, un pigment bleu naturel a été découvert

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© Mas Subramanian

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Par Lise Lanot

Publié le

Découvert accidentellement, le pigment enfin commercialisé fait des émules.

Cela faisait près de onze ans que peintres et scientifiques l’attendaient. Onze années pour que le pigment soit validé et ajouté à la liste de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), afin qu’il soit enfin commercialisable.

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La découverte, inopinée, date de 2009. Dans le laboratoire de l’université de l’Oregon, un certain Andrew Smith s’intéressait, sur ordre de son professeur, aux “propriétés électroniques de l’oxyde du manganèse” en le chauffant à plus de 1 200 degrés Celsius. Sous ses yeux ébahis, c’est un composé d’un “bleu éclatant” qui sort du four. 

Son professeur Mas Subramanian s’en réjouit immédiatement, sachant qu’une telle découverte est loin d’être anodine : la dernière fois qu’un pigment bleu naturel avait été découvert remontait à deux siècles. “Si je n’avais pas travaillé dans la recherche industrielle auparavant […], je n’aurais jamais su que c’était tout à fait inhabituel, qu’il s’agissait d’une découverte au potentiel commercial énorme”, souligne le chimiste

Le bleu “YInMn”. (© Mas Subramanian)

Les pigments bleus sont rarement résistants. Voir que la teinte survivait à une température extrêmement élevée était donc très bon signe : un indice supplémentaire qu’elle deviendrait très populaire. Mas Subramanian ne s’y est pas trompé. Après onze ans d’attente, la cote de ce bleu composé d’un système cristallin hexagonal d’yttrium, d’indium, de manganèse et d’oxygène (et logiquement nommé “YInMn”) n’a pas chuté. 

La course à l'”YInMn”

En 2016 déjà, Shepherd Color Company sentait le bon filon et achetait la licence permettant de vendre le pigment, rapporte Artnet. Géant de production en comparaison du laboratoire universitaire de l’Oregon, l’entreprise affirmait pouvoir produire des centaines de kilogrammes d'”YInMn” tandis que l’équipe de Mas Subramanian n’était capable d’en sortir que “plusieurs grammes à la fois”.

Quelques mois plus tard, une entreprise australienne acquiert également la licence tandis qu’en 2017, Crayola surfe sur la vague d’intérêt suscitée et sort un crayon inspiré de ce bleu superstar, le “Bluetiful”. 

La nuance de son bleu (qualifiée de “presque parfaite” par nombre de spécialistes et qu’il est possible d’ajuster en jouant avec le ratio de manganèse et d’indium), sa couverture et sa tenue en font une coqueluche qu’on s’arrache. Sur Etsy, Mas Subramanian raconte ainsi suivre le cours d’un “marché noir” de son bleu.

Le prix du pigment ajoute à sa renommée. La propriétaire d’une des seules boutiques états-uniennes vendant la peinture explique qu’un pot de quarante millilitres est vendu 179,40 dollars (environ 148 euros), soit six fois plus cher que le tube d’acrylique le plus coûteux de son magasin. 

Arrivé 200 ans après le bleu cobalt, le bleu “YInMn” ravit les amoureux·ses de la couleur et des raretés, des artistes aux scientifiques. Reste à voir s’il pourra un jour également ravir les porte-monnaie moins remplis.