Avec 60 photos inédites, la réédition du livre de Patti Smith nous replonge dans le New York des années 70

Avec 60 photos inédites, la réédition du livre de Patti Smith nous replonge dans le New York des années 70

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Par Paulina Gautier-Mons

Publié le

Devenu culte depuis sa première édition, en 2010, Just Kids de Patti Smith ressort chez Gallimard dans une version comprenant 60 photos inédites. L’occasion de se replonger dans le New York des années 1970 en compagnie de la célèbre chanteuse et de son compagnon de l’époque, le photographe Robert Mapplethorpe.

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En 1967, Patti Smith rencontre Robert Mapplethorpe à New York. Ils ont 20 ans et le désir de devenir des artistes. Ensemble, ils approfondissent leurs connaissances du monde de l’art et partagent leurs expériences intellectuelles, sensitives et sensuelles. Patti Smith s’affirme dans l’écriture et bientôt dans la musique tandis que Mapplethorpe choisit la photographie comme principal moyen d’expression.

C’est ce tâtonnement artistique, cette période de transition entre les rêves poétiques de l’adolescence et la réalisation d’une vie artistique mature, que décrit Patti Smith dans son livre. Influencé par une époque effervescente, encouragé par ses rencontres avec Sam Shepard, Janis Joplin, Jim Carroll, Allen Ginsberg et tous les autres, le jeune couple est conforté dans l’idée que sa vie doit se vouer à l’art.

En attendant la reconnaissance et pour subvenir à leurs besoins, Mapplethorpe se prostitue tandis que Patti Smith trouve un travail de libraire qui lui permet de payer une chambre au célèbre Chelsea Hotel.

Dans l’intimité du couple

Tenu par Stanley Bard pendant des années, le Chelsea Hotel accueillait les artistes bohèmes sans le sou, pendant quelques jours, quelques semaines, parfois quelques années… On pouvait ainsi y croiser les écrivains de la Beat generation comme Jack Kerouac, Allen Ginsberg, William S. Burroughs, mais aussi Arthur Miller, Tennessee Williams, Charles Bukowski ou encore les très français Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir.

Beaucoup d’artistes et de musiciens de générations différentes s’y succédèrent dès le début du XXe siècle : Yves Klein, Willem de Kooning, Miloš Forman, Stanley Kubrick, Bob Dylan, Tom Waits, Niki de Saint Phalle, Henri Cartier-Bresson, etc. En 1966, Andy Warhol et Paul Morrissey y consacrèrent un film, Chelsea Girls, dont Nico, chanteuse des Velvet Underground, s’inspire pour écrire un album.

Le Chelsea Hotel entre alors dans la légende. Depuis quelques années, l’établissement a changé de propriétaire, de décor et de ligne de conduite. Même s’il n’est plus le repaire bohème qu’il fut, il reste encore aujourd’hui le lieu mythique auquel Leonard Cohen a dédié une de ses chansons.

C’est donc dans cet endroit aux résidents prolifiques et hétéroclites que vivent Patti Smith et Robert Mapplethorpe entre 1969 et 1972. Dans cette nouvelle édition de Just Kids, la plupart des photos publiées ont été prises au Chelsea Hotel, dans les chambres qu’ils ont successivement occupées, sur les balcons donnant sur la 23e rue, dans le hall, parfois dans les rues qui l’entourent.

Dans les chambres bordéliques des deux artistes, on peut distinguer des mégots de cigarettes à même le sol, des vinyles posés çà et là, des vêtements éparpillés et une guitare. Sur les murs, on devine des dessins, des cartes postales et des photos. L’intimité qui se dégage des photos de ces chambres ne se retrouve pas dans le reste de l’ouvrage, comme pour signifier que l’avant et l’après n’ont que peu de signification et que tout, finalement, s’est joué là-bas, entre les murs exigus de cet hôtel déglingué.

L’une des dernières icônes des années 1970-1980

Écrit par une figure du rock légendaire, Just Kids est passionnant en tant que souvenir d’une époque incandescente, dernière décadence du XXe siècle. Souvent naïf, rarement politique, le livre témoigne d’une jeunesse croyant encore à la liberté et à l’art pour l’art.

Mais Patti Smith a aussi une tendance à l’arrogance, oubliant souvent qu’elle a eu la chance de se trouver au bon endroit au bon moment. Et si sa quête intellectuelle est sincère, son appropriation de Rimbaud (qu’elle n’hésite pas à appeler “mon Rimbaud” et qu’elle se dispute dans des joutes imaginaires avec Verlaine), sa vanité et son manque de recul face à son œuvre ou à celle de son entourage, rendent la lecture parfois agaçante.

Même si Patti Smith prétend que Mapplethorpe était plus mondain qu’elle, on sent clairement la facilité avec laquelle elle se fond dans le milieu artistique et dans tout ce qu’il implique, pour le meilleur et pour le pire…

Résistant aux âges, survivant à nombre de ses amis, Patti Smith est l’une des dernières icônes des années 1970-1980 encore vivante. À travers les photos de Mapplethorpe publiées dans le livre, on la voit passer d’adolescente hippie (1967) à mère aimante (1988). D’autres photos d’elle prises par Frank Stefanko, Judy Linn et Gerard Malanga sont présentées, mais celles qui closent l’ouvrage sont celles que Mapplethorpe a prises l’année de sa mort, en 1988. Comme s’il était le seul, l’ultime photographe à pouvoir la saisir réellement.