À 7 000 km l’un de l’autre, deux amis se photographient ensemble grâce à un procédé ancien

À 7 000 km l’un de l’autre, deux amis se photographient ensemble grâce à un procédé ancien

Image :

© Markus Hofstätter/Shane Balkowitsch

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Par Lise Lanot

Publié le

Pour se retrouver, rien de tel qu'un procédé vieux de près de deux siècles couplé à la technologie du XXIe siècle.

Confiné, le photographe Markus Hofstätter commençait à se sentir bien seul… jusqu’à ce qu’un ami lui prête un vidéoprojecteur. Ayant de la suite dans les idées, il a décidé de projeter ses conversations en visio avec ses ami·e·s chez lui, pour donner corps à leur présence numérique : “C’était comme si on était ensemble. […] Je les voyais en taille réelle dans mon studio comme s’ils étaient là. C’était un sentiment génial”, nous confie-t-il.

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Fidèle à sa passion, il a ensuite voulu se photographier aux côtés de ses proches, bien qu’éloigné·e·s parfois par des milliers de kilomètres. Là où les choses se sont corsées, c’est qu’il n’a pas utilisé un simple appareil photo pour réaliser son projet, mais un procédé unique de photographie sur plaque de verre au collodion humide.

La rencontre du XIXe siècle et du numérique

Cette technique, attribuée à l’Anglais Frederick Scott Archer vers 1851, nécessite du temps et une grande rigueur : l’artiste commence par appliquer une épaisse émulsion liquide sur une plaque de verre, avant de la plonger dans un bain de nitrate d’argent et de la transférer dans un châssis étanche à la lumière. Les modèles doivent poser longuement, au moins dix secondes, pendant que le photographe se trouve derrière une chambre noire portative. Pour mener à bien son projet, Markus Hofstätter a fait appel à son ami Shane Balkowitsch, lui aussi amoureux du procédé et auteur d’une grande série de portraits d’Amérindien·ne·s réalisés au collodion humide.

La première étape a consisté à comparer la photo numérique prise par Markus, dans son studio en Autriche, et celle prise par Shane, dans son studio à plus de 7 000 kilomètres de là, dans le Dakota du Nord. Ainsi, Markus a pu évaluer la différence d’exposition de leurs deux portraits et l’ajuster (en éclairant sa propre silhouette davantage que celle de Shane, notamment), afin que la photo finale donne l’impression qu’ils se trouvaient bien au même endroit, au même moment.

Markus Hofstätter a découpé sa silhouette dans un Gobo placé devant un projecteur. (© Markus Hofstätter/Shane Balkowitsch)

Après quelques essais, les deux hommes ont estimé avoir besoin d’un temps de pose de cinq minutes : “Cinq minutes, ça fait beaucoup avec le procédé de la plaque au collodion humide, parce que ça finit par sécher et perdre toute sensibilité à la lumière”, éclaire-t-il. Pour éviter tout problème, il a pensé à refroidir son studio en coupant son chauffage.

Markus s’est placé dos au mur, près de la silhouette projetée de son ami, face à sa chambre noire. Grâce à un fil, il a fait tomber le cache et est resté immobile cinq minutes. Au bout du temps imparti, il n’y avait plus qu’à recouvrir l’objectif rapidement et jouer au chimiste pour développer la plaque. Le procédé, en noir et blanc, a participé à la réussite du projet. L’ombre de Markus mise à part, le résultat est troublant et, de toute façon, souligne le photographe autrichien : “Il ne s’agissait pas de faire une image absolument parfaite d’un point de vue technique. Il s’agissait simplement d’amitié.”

L’appareil utilisé par Markus Hofstätter. (© Markus Hofstätter/Shane Balkowitsch)

© Markus Hofstätter/Shane Balkowitsch

Une première tentative infructueuse sur laquelle Markus “bougeait trop”. (© Markus Hofstätter/Shane Balkowitsch)

Hourra ! (© Markus Hofstätter/Shane Balkowitsch)

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