Sur des algues, un photographe chimiste imprime son autoportrait

Sur des algues, un photographe chimiste imprime son autoportrait

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© Russell Marx ; NEON_ja

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Par Lise Lanot

Publié le

Russell Marx a associé son amour pour la photo et la chimie afin de développer des images sur des algues.

Russell Marx est un étudiant en doctorat de neurosciences qui est un jour tombé dans les bras de la photographie – en récupérant des films instantanés qui allaient partir à la poubelle dans un laboratoire. Depuis, il tente d’associer ses deux passions. Son dernier champ d’expérimentation consiste à exposer des organismes vivants sensibles à la lumière dans des boîtes de Petri et de développer des images ainsi – ici, sur des algues.

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Après de multiples essais grâce à des algues achetées sur Internet, Russell Marx a choisi la Chlorella vulgaris, une espèce d’algues plus lourde que l’eau qui “coule au fond de la boîte, laissant une partie d’eau claire à la surface et une couche d’algue vert foncé au fond”. Choisir la bonne variété était crucial, puisqu’une “image nette ne se formera que si l’algue reste en place”, a-t-il expliqué à PetaPixel. Après avoir voulu fixer l’algue dans de l’agar-agar, un produit gélifiant, la découverte de la Chlorella vulgaris a facilité l’expérience.

Vue au microscope de l’algue verte Chlorella vulgaris. (© NEON_ja/CC BY-SA 3.0)

De même, il convient d’utiliser une boîte de Petri en verre et pas en plastique. Le plastique crée des bulles d’oxygène qui collent au fond du contenant et trouent l’image “parce que l’algue transforme le CO2 en oxygène lors de la photosynthèse et le plastique a une affinité avec l’oxygène”. Avec du verre, ce problème disparaît. Comme bien souvent en photographie et dans tous les autres domaines, c’est à force d’expériences et d’erreurs que naît la solution.

La boîte de Petri contenant le mélange Chlorella vulgaris et eau est placée au-dessus du négatif et sous un agrandisseur. (© Russell Marx)

L’étudiant américain n’a eu qu’à “mélanger l’algue et l’eau [dans la boîte de Petri], la laisser se fixer et placer le tout sous l’agrandisseur”, pour créer la matière qui allait recevoir le négatif, un autoportrait de lui. Il a placé le négatif sous la boîte de Petri (elle-même placée sous l’agrandisseur), afin que l’algue prenne la forme de l’image originale.

“L’algue grandit davantage lorsqu’elle reçoit plus de lumière. Donc l’algue placée sur un point plus clair de l’image se multiplie plus rapidement et devient donc plus sombre. Le négatif s’inverse et cela crée une image positive teintée de vert”, relate-t-il.

Le positif de l’autoportrait utilisé par Russell Marx. (© Russell Marx)

Sur le négatif, les fleurs blanches de la chemise de Russell apparaissent noires et le reste de sa chemise sombre apparaît clair. Les algues se forment massivement sur les parties claires, inversant le négatif et créant, sur l’algue, une reproduction verte du positif original.

Pour que l’image soit nette, le chimiste a laissé un temps d’exposition très long : pendant une semaine, les algues ont eu le temps de créer l’image grâce aux rayons lumineux.

© Russell Marx

Russell Marx a ainsi créé une image vivante, qui peut facilement être ruinée si on n’y prête pas garde. Le jeune homme raconte avoir détruit sa première image sans le faire exprès, en renversant sa boîte de Petri. Pour la conserver, il conseille de prélever de l’eau à l’aide d’une pipette et de verser de la résine pour fixer l’algue.

Le résultat. (© Russell Marx)

En parallèle de l’avancée des technologies liées à la prise d’image, nombreux·ses sont les artistes à tenter de créer des appareils et procédés photographiques de façon artisanale, grâce à la technique ou la nature. La photographe et chercheuse française Lia Giraud crée par exemple ses “séries Algægraphiques” depuis quelques années, tandis que l’Américain Brendan Barry transforme tout ce qui passe entre ses mains en appareils photo.

Courge musquée, Lego, pastèque, miche de pain, bûche de bois, gratte-ciel new-yorkais ou chambre à coucher ont ainsi été transformés en appareils. Qui sait, on peut se prendre à rêver qu’un jour peut-être, une image algue sera réalisée à partir d’un appareil photo gratte-ciel ?