Dans les années 60, la street photo colorée de Garry Winogrand magnifiait les États-Unis

Dans les années 60, la street photo colorée de Garry Winogrand magnifiait les États-Unis

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© Garry Winogrand

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Par Lise Lanot

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Un musée new-yorkais se concentre sur le travail en couleur du photographe américain, dont on connaît davantage les monochromes.

35 ans après la mort de Garry Winogrand, photographe américain connu pour ses scènes de rue en noir et blanc prises sur le vif, le musée de Brooklyn consacre une exposition à son travail couleur. Célébré de son vivant (il est le récipiendaire de nombreuses bourses et prix), il n’a jamais vu ses images colorées accéder à la même postérité que ses monochromes.

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Pendant plus de six mois, le musée new-yorkais a tenté de rééquilibrer la balance, rendant hommage à l’artiste autant qu’à la street photography en général et aux paysages urbains des États-Unis au siècle denier.

“Sans titre (New York)”, 1960. (© Garry Winogrand/Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco/Collection du Center for Creative Photography de l’université de l’Arizona)

La photographie de rue, une pratique en plein essor au XXe siècle

Au tournant du XXe siècle, les technologies photographiques évoluent et deviennent plus mobiles, plus rapides. Ravi·e·s de se débarrasser des temps de pose extrêmement longs des daguerréotypes et autres chambres noires du XIXe siècle, les passionné·e·s d’image profitent des avancées techniques pour oublier les portraits posés à outrance et commencent à imaginer une photo prise sur le vif : c’est le début de la photographie de rue.

Le long du XXe siècle, notamment à partir des années 1940, après la Seconde Guerre mondiale, de plus en plus de photographes se spécialisent dans cet art urbain. Ce domaine permet de documenter les changements de dynamiques géographiques de l’époque, à un moment où, en Europe et aux États-Unis, les habitant·e·s quittent massivement les campagnes pour les villes.

“Sans titre (New York)”, vers 1965. (© Garry Winogrand/Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco/Collection du Center for Creative Photography de l’université de l’Arizona)

Au même moment, un groupe de photojournalistes crée l’agence Magnum, une coopérative photographique réunissant de grands noms tels que Robert Capa, Henri Cartier-Bresson ou encore Maria Eisner. L’agence permet à leur travail de traverser les frontières et d’émuler les esprits. Ainsi, les années 1960 sont particulièrement riches en production de photographie de rue.

Garry Winogrand, descendant et innovateur de la street photography

Aux États-Unis, Garry Winogrand est une référence en la matière. On raconte qu’au cours de sa carrière, le New-yorkais aurait pris plus d’un million de photographies, dont, entre les années 1950 et 1960, plus de 45 000 diapositives couleur.

“Sans titre (Houston, Texas)”, 1964. (© Garry Winogrand/Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco/Collection du Center for Creative Photography de l’université de l’Arizona)

Grâce à cette prise d’images compulsive, l’artiste se pare d’une maîtrise impressionnante de l’art de la photo “volée”. D’après le documentaire qui lui est dédié All Things Are Photographable, le journaliste du New Yorker Richard Brody raconte la méthode du photographe :

“Une des révélations délicieuses [du documentaire] est l’inclusion d’une vidéo de Winogrand en plein travail dans la rue […]. Cet extraordinaire et si précieux enregistrement – amplifié par les paroles de photographes qui étaient ses amis ou ses associés – met en lumière la façon si singulière qu’avait Winogrand de manier son appareil et l’effet décisif que cela apportait à ses images.

Au milieu d’une foule, il approchait son Leica de son œil et le baissait instantanément. C’était si rapide que, tel que le précise le photographe Tod Papageorge, les gens ne savaient pas s’ils étaient photographiés ou pas, ou même s’il avait pris la photo.”

“Sans titre (Coney Island)”, 1952-58. (© Garry Winogrand/Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco/Collection du Center for Creative Photography de l’université de l’Arizona)

“Garry Winogrand n’a certainement pas inventé la street photography, mais il l’a fait passer d’un art de l’observation à un art de la participation”

Pour le New Yorker, Garry Winogrand “n’a certainement pas inventé la street photography, mais il l’a fait passer d’un art de l’observation à un art de la participation”. Cet art actif, il l’a fait voyager hors de sa Grosse Pomme natale, à travers les États-Unis, à l’intérieur de foires texanes, le long d’autoroutes, dans des motels ou des salles de cinémas.

Alors que l’industrie publicitaire et sa multitude d’images colorées est en plein boom, les tranches de vie aux couleurs frappantes de Garry Winogrand racontent une autre histoire des États-Unis des années 1960. L’exposition “Garry Winogrand: Color” raconte autant l’histoire de l’artiste et de son pays que d’un pan de l’histoire de la photo.

“Sans titre (Cape Code)”, 1966. (© Garry Winogrand/Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco/Collection du Center for Creative Photography de l’université de l’Arizona)

“Sans titre (New York)”, 1952-58. (© Garry Winogrand/Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco/Collection du Center for Creative Photography de l’université de l’Arizona)

“Sans titre (New York)”, 1967. (© Garry Winogrand/Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco/Collection du Center for Creative Photography de l’université de l’Arizona)

“Sans titre (New York)”, vers 1965. (© Garry Winogrand/Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco/Collection du Center for Creative Photography de l’université de l’Arizona)

“Sans titre (New York)”, vers 1965. (© Garry Winogrand/Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco/Collection du Center for Creative Photography de l’université de l’Arizona)

“Sans titre (La Foire de Dallas, Texas)”, vers 1964. (© Garry Winogrand/Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco/Collection du Center for Creative Photography de l’université de l’Arizona)

“Sans titre (Texas)”, 1964. (© Garry Winogrand/Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco/Collection du Center for Creative Photography de l’université de l’Arizona)

“Sans titre”, 1964. (© Garry Winogrand/Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco/Collection du Center for Creative Photography de l’université de l’Arizona)

“Sans titre (Cape Code)”, 1960. (© Garry Winogrand/Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco/Collection du Center for Creative Photography de l’université de l’Arizona)

L’exposition “Garry Winogrand : Color” est visible au Brooklyn Museum jusqu’au 8 décembre 2019.