“Autophoto”, l’exposition sur le mariage surprenant entre photographie et automobile

“Autophoto”, l’exposition sur le mariage surprenant entre photographie et automobile

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Par Lisa Miquet

Publié le

Depuis le 19 avril, la Fondation Cartier propose une exposition intitulée “Autophoto”. À travers de nombreuses images, elle met en évidence les liens étroits qui existent entre voiture et photographie. 

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En permettant aux individus de se déplacer plus facilement, l’automobile a entraîné une révolution économique et sociale. Sa démocratisation a totalement bouleversé notre conception de l’espace et du temps, et a offert à de nombreuses personnes une véritable liberté de mouvement. Toutefois, qui aurait cru que l’émergence de l’industrie automobile aurait pu marquer l’histoire de la photographie ?

C’est ce que la Fondation Cartier nous fait découvrir à travers son exposition Autophoto. Loin de se contenter de nous montrer un catalogue de grosses bagnoles, l’expo donne à voir avec finesse la frontière poreuse entre deux secteurs qui semblent ne rien avoir en commun.

Les liens entre photographie et automobile commencent à se nouer il y a plus de 200 ans, avant même l’invention de la première image, alors que les frères Niépce (Nicéphore et Claude), inventeurs prolifiques de l’époque, menaient des recherches dans deux domaines en particulier : la lumière et les moteurs à combustion. Après des années de travail, ils mettent au point un moteur à air dilaté, baptisé pyréolophore, qui s’alimente par un mélange de charbon et de pétrole, aujourd’hui l’ancêtre du moteur à explosion. Ils déposent un brevet en 1807, mais pour des raisons financières, les deux frères sont obligés d’abandonner le projet.

De son côté, Nicéphore Niépce continue ses recherches sur la lumière et parvient à réaliser la première photographie de l’histoire vers 1826. Depuis sa fenêtre en Saône-et-Loire, il parvient a immortaliser le Point de vue du Gras, grâce à du bitume de Judée déposé sur une plaque d’étain. Le lien entre photographie et secteur automobile remonte donc avant même leurs inventions respectives.

Une boîte photographique ambulante

Mais au-delà de cet inventeur en commun, on constate de nombreuses analogies entre les deux domaines. En isolant certaines parties du paysage, le pare-brise pose un cadre qui peut aisément rappeler le cadre photographique : l’exposition le souligne d’ailleurs très justement en qualifiant la voiture de “boîte photographique ambulante.”

Puisqu’elle permet de se déplacer beaucoup plus facilement qu’avant, l’automobile a influencé les pratiques et recherches artistiques des photographes. Elle offre un nouveau sujet, mais surtout une nouvelle manière et de nouvelles opportunités de découvrir le monde. De nombreux photographes comme Joel Meyerowitz, Daido Moriyama ou encore John Divola ont exploré les possibilités techniques et artistiques offertes par le véhicule.

L’auto devient une sorte de prolongement de l’appareil photo : les images sont capturées à travers un pare-brise, une vitre ou encore dans le reflet du rétroviseur. Elle devient une toile de fond, voire même le “figurant” de certaines images. Puisqu’elle a transformé le paysage en entraînant la construction de routes, la voiture semble toujours faire partie du décor.

Toutefois, plus qu’un personnage, l’automobile peut aussi devenir un sujet photographique à part entière. En effet, certains photographes comme Jacques Henri Lartigue, Brassaï on encore Robert Doisneau se sont attachés à capter le frisson de la vitesse ou l’anarchie du trafic parisien. Certains s’intéressent même à la construction automobile en allant immortaliser les usines, comme l’a fait Robert Frank chez Ford dans les années 1950. Les photographes posent un regard attentif sur l’émergence du taylorisme, la vie des ouvriers et des chaînes de montage. En avançant dans l’histoire de la photographie, on peut voir que le rapport aux voitures évolue : on s’interroge sur la pérennité de ce moyen de transport et sur les conséquences écologiques que celui-ci peut avoir sur notre planète.

450 œuvres, une centaine de photographes

Avec 450 œuvres d’une centaine de photographes différents, venus du monde entier, “Autophoto” nous fait découvrir les différentes facettes de l’univers automobile : esthétiques, sociales, industrielles, environnementales. Les grands noms de la photographie comme Jacques Henri Lartigue, William Eggleston, Joel Meyerowitz ou Andreas Gursky y côtoient des artistes moins connus du grand public comme Justine Kurland et Jacqueline Hassink. Tous ont, d’une manière ou d’une autre, abordé le thème de l’automobile à travers leurs œuvres.

Pour Xavier Barral, célèbre éditeur et commissaire d’exposition d'”Autophoto”, la photographie comme la voiture sont des outils pour découvrir le monde :

“Si la photographie permet de multiplier les points de vue et de les répertorier, de mémoriser le mouvement et de laisser une trace, l’automobile permet de se déplacer dans l’espace. La photographie, outil de l’immobilité, a bénéficié de l’automobile, outil de la mobilité. Et si l’automobile comme la photographie sont en constante évolution, ces deux inventions n’ont fait qu’emprunter des voies parallèles pour mieux maîtriser l’espace-temps.”

Une exposition surprenante et passionnante, qui tisse des liens entre des univers qui pouvaient sembler éloignés à première vue, à découvrir jusqu’au 24 septembre 2017 à la Fondation Cartier pour l’art contemporain.

“Autophoto”, du 20 avril au 24 septembre 2017 à la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain à Paris.