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La banlieue parisienne mise à l’honneur à travers les photos en couleur de Robert Doisneau

La banlieue parisienne mise à l’honneur à travers les photos en couleur de Robert Doisneau

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Le livre photo La Banlieue en couleur, publié aux éditions Dominique Carré, met en lumière l’architecture banlieusarde des années 1980, dans l’objectif de Robert Doisneau.

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Quand on pense à Robert Doisneau, on ne se doute pas qu’il a immortalisé un jour les mutations de la périphérie parisienne à travers son objectif. On ne pensait pas non plus pouvoir tomber un jour sur un livre entier consacré à ses images de la banlieue, loin des clichés, représentant l’architecture écrasante de tous ces grands ensembles qui ont été construits dans les années 1980.

Et pour aller à l’encontre du gris qu’on assimile souvent à la banlieue, il a préféré la documenter en couleur, dans les années 1980. Si Robert Doisneau a donné une image très cinématographique et souvent cliché de Paris, il est pourtant né et mort en banlieue, et a placé cette dernière au cœur de projets plus confidentiels.

Un tour d’horizon du paysage urbain français

Les éditions Dominique Carré ont sorti un livre photographique sur Doisneau, qu’ils ont intitulé La Banlieue en couleur. Les œuvres de l’illustre photographe réalisent un tour d’horizon, de Gennevilliers à Ivry, d’Arcueil à Montreuil, et vont de pair avec les transformations du paysage français dans ces années-là.

Quand on feuillette les pages de l’ouvrage, impossible de ne pas penser au travail de Laurent Kronental, Souvenir d’un Futur, qui veut rendre ses lettres de noblesse aux quartiers oubliés de la banlieue, en apportant un nouveau regard sur toutes ces “barres” titanesques souvent critiquées à cause de leur structure, leur construction et des quartiers dans lesquels elles s’érigent. Si ce dernier a utilisé la couleur naturellement, pour Doisneau, ce n’était pas une évidence puisque ce sont ses premières photos en couleur.

La note de l’éditeur nous apprend que ce reportage photo a été commandé par la Datar (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale) à plusieurs photographes (dont Raymond Depardon, entre autres). Leur but était de “raconter le paysage au travers des yeux d’artistes, […] de proposer à des photographes de répondre en tant qu’artistes” :

“C’est ainsi que Robert Doisneau, dont l’œuvre commençait à être revisitée par des historiens d’art, a intégré l’équipe de photographes, rejoignant une aventure devenue mythique en ce qui concerne la représentation du paysage. Doisneau, comme d’autres photographes, a joué le jeu et fait l’effort sincère de se considérer comme un artiste. Il a échangé son Leica 24 × 36 contre une chambre photographique – de petit format, mais quand même – la chargeant de films en couleur, ce qui n’était pas rien non plus !

Comme le raconte Claude Eveno [l’urbaniste français qui a écrit la préface du livre, ndlr], il a repris le chemin de sa banlieue pour nous livrer un travail aujourd’hui encore inédit dont ce livre montre une courte sélection. Lui et les autres, les commanditaires et les photographes, auront ainsi ouvert la voie aux multiples commandes institutionnelles autour du paysage qui se sont succédé depuis.”

Ce projet photo de la Datar arrivait au moment où le béton et les HLM commençaient à pousser plus vite que les arbres, rajoutant une couche à l’horizon parisien ; le gouvernement voulait apporter une nouvelle vision de tous ces espaces et répondre aux appréhensions grandissantes des habitants.

Sur i-D, on peut lire une citation de Claude Eveno qui fait mouche, en préface, dans laquelle il compare l’horizon urbain des années 1980 avec celle d’après-guerre : “Y est-on plus heureux qu’alors ? C’est la question posée par les photographies de Doisneau, dont le regard, fixé pour toujours dans les images que nous gardons malgré nous en mémoire, semble dire avec la plus grande et innocente cruauté que nous n’en saurons jamais rien.”

La Banlieue en couleur, Robert Doisneau, texte de Claude Eveno, éditions Dominique Carré, 112 pages, 21 euros.