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Cette photographe américaine caricature ses harceleurs grossophobes sur Internet

Cette photographe américaine caricature ses harceleurs grossophobes sur Internet

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© Haley Morris-Cafiero

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Par Pauline Allione

Publié le

En reprenant l’apparence de ses persécuteurs, Haley Morris-Cafiero met en lumière le bodyshaming dont elle a été victime.

La vengeance est un plat qui se mange froid, dit-on. Haley Morris-Cafiero a trouvé une manière inédite pour faire passer un message à ses harceleurs. Attaquée sur son physique, jugée trop grosse et trop lâche pour changer d’apparence, la photographe et performeuse américaine a décidé de cibler directement les personnes qui la harcelaient en ligne. Sa réponse est contenue dans une série photo intitulée The Bully Pulpit – qui a aussi donné un beau livre.

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“The Bully Pulpit”. (© Haley Morris-Cafiero)

Le procédé de l’artiste sur cette série photographique est simple : choisir 30 auteurs de commentaires relevant du harcèlement ou du bodyshaming parmi ceux qui lui ont été adressés, et se déguiser en chacun d’eux. En amont, elle a épluché leur profil sur les réseaux sociaux afin d’identifier des éléments constituants de leur physique ou de leur style vestimentaire.

Ces recherches avaient pour but d’aider la photographe à “recréer leur image en utilisant des perruques, des vêtements ou de simples prothèses”, explique-t-elle. Et pour que le résultat ait plus de sens et d’impact, elle a placé sur chaque image le message que lui avait adressé l’internaute en question.

“The Bully Pulpit”. (© Haley Morris-Cafiero)

Imprimés sur un T-shirt, écrits sur un miroir ou un panneau d’affichage, les mots dénoncent crûment la haine qui peut circuler sur Internet lorsque l’on montre un corps qui ne répond pas aux canons de beauté occidentaux. Surtout dans une société qui fait la chasse aux kilos et à la cellulite, et malgré la montée du body-positivisme qui prône une meilleure représentation des corps et le rejet des normes sociétales. Les initiatives de marques de prêt-à-porter (comme H&M récemment) tendant à montrer des corps diversifiés et non retouchés dans leurs campagnes sont certes des pratiques émergentes, mais restent encore minoritaires.

Le public, témoin de la grossophobie

“Wait Watchers”. (© Haley Morris-Cafiero)

The Bully Pulpit trouve ses racines en 2010, lorsque le calvaire numérique de l’artiste commence. À la base de cette salve de critiques dont elle a été la cible, on trouve une autre série : Wait Watchers. Pour ce projet, Haley Morris-Cafiero s’est mise en scène dans des situations du quotidien au sein de lieux publics, tout en capturant la réaction des passants lorsqu’ils croisaient son chemin.

L’objectif étant d’analyser a posteriori leur expression et leur langage corporel, comme le signe visible d’une appréciation (négative la plupart du temps). Ce faisant, l’artiste a voulu “placer le public dans la position de témoin d’un instant”, et montrer ce jugement permanent auquel elle est soumise dans le regard d’inconnus, du fait de son poids.

“Wait Watchers”. (© Haley Morris-Cafiero)

C’est après avoir mis sa série de photos en ligne que le déferlement d’insultes est arrivé : dans les sections de commentaires, sur sa boîte mail, sur Twitter et Instagram… Au total, la photographe aurait enregistré plus d’un millier de messages injurieux à son égard.

La prise de position de la performeuse sur Wait Watchers n’est pas sans rappeler le combat du collectif français Gras Politique, qui s’emploie à dénoncer la grossophobie systémique. Celle-ci se traduit effectivement par du harcèlement de rue et des regards au quotidien, mais se manifeste également par des faits de maltraitances médicales, de discrimination à l’embauche, etc.

L’anonymat des cyber-harceleurs mis à mal

“The Bully Pulpit”. (© Haley Morris-Cafiero)

Avec The Bully Pulpit (“La chaire d’influence”), Haley Morris-Cafiero tient sa revanche. En abordant la notion d’influence et d’assurance que peuvent procurer les écrans, elle s’octroie le luxe de remettre ses cyber-harceleurs à leur place, tout en leur faisant une piqûre de rappel. En effet, quoi de mieux pour déstabiliser ce confort numérique dans lequel ils trouvent satisfaction, que de s’attaquer directement au pseudo-anonymat qu’ils jugent protecteur.

“Au lieu de répondre individuellement à ces ‘sourds’, j’ai réalisé que je pouvais parodier ces tentatives de harcèlement en créant des images et en les publiant sur Internet – le même canal utilisé pour leurs attaques – et que les images seraient vues par des millions de gens, et vivraient encore, encore et encore”, détaille l’artiste.

En caricaturant ainsi ses harceleurs, la photographe interchange les rôles, les exposant à leur tour aux critiques. Elle montre ainsi l’impact des mots, parfois sous-estimé lorsqu’ils sont proférés en ligne. De cette manière, elle a su transformer les insultes en œuvres d’art, interpellantes et violentes dans les textes, mais aussi originales et drôles dans l’imitation de leurs auteurs.

“The Bully Pulpit”. (© Haley Morris-Cafiero)

“The Bully Pulpit”. (© Haley Morris-Cafiero)

“Wait Watchers”. (© Haley Morris-Cafiero)

“The Bully Pulpit”. (© Haley Morris-Cafiero)

“Wait Watchers”. (© Haley Morris-Cafiero)

“The Bully Pulpit”. (© Haley Morris-Cafiero)

“The Bully Pulpit”. (© Haley Morris-Cafiero)

“The Bully Pulpit”. (© Haley Morris-Cafiero)

“The Bully Pulpit”. (© Haley Morris-Cafiero)

“The Bully Pulpit”. (© Haley Morris-Cafiero)

“The Bully Pulpit”. (© Haley Morris-Cafiero)