Les drogues du darknet imprimées à l’encre invisible dans un livre photo

Les drogues du darknet imprimées à l’encre invisible dans un livre photo

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Internet est un iceberg, et le photographe Giorgio Di Noto a voulu explorer sa partie cachée dans un livre photo : le darknet et les drogues qui s’y vendent.

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Une simple recherche sur Google ne suffit pas pour voir tout ce dont le Web regorge. Une photo dit seulement ce qu’elle veut bien montrer. Le liquide même qui sert à faire apparaître une photographie au moment du développement est appelé “révélateur”. C’est un peu la même chose avec le livre de Giorgio Di Noto : quand on l’ouvre, il ne nous dévoile pas tout.

Devant nos yeux, s’étalent des centaines de pages très aérées, avec beaucoup d’espaces, de trous, de manques et de blancs, des pages blanches, sautées et parsemées de photos par-ci par-là. Comme Internet, le darknet et le concept de l’iceberg. Le photographe italien a publié l’ouvrage The Iceberg, aux éditions Patrick Frey, qui offre une expérience similaire à une exploration du darknet, cette partie non indexée qui représente 90 % du Web dans son entier. Le photographe explique à It’s Nice That :

“J’ai commencé à étudier le darknet parce que je m’y intéressais comme un moyen de contourner la censure dans certains pays. Pour accéder au darknet, vous avez besoin de Tor, un navigateur gratuit qui permet de communiquer de façon anonyme. C’est assez facile à faire, puis j’ai étudié et passé du temps à comprendre comment surfer sur le deep Web et trouver ce que je cherchais. Le premier accès est très facile, ce qui est un peu plus compliqué, c’est d’aller plus loin, parce que vous n’avez pas de moteur de recherche standard. […]

Pour ce projet, je me suis concentré sur les marchés noirs et les représentations de drogues parce que je voulais travailler avec des images originales créées et publiées uniquement pour le darknet par leurs utilisateurs, des images que personne ne peut voir sur le Web. C’est comme une archive impossible de quelque chose qui existe en ligne juste pour un moment, que personne ne veut archiver ou sauvegarder. Et dans ce cas, ce sont des images utilisées pour faire de la publicité pour des médicaments.

Je m’intéressais à la façon dont les vendeurs utilisaient les visuels et les images pour représenter leurs produits, et plus généralement, le genre de photos que vous pouvez trouver dans ce domaine anonyme et caché. J’ai été particulièrement intéressé par les photos originales réalisées par les vendeurs eux-mêmes et les images du domaine public (qui sont imprimées en noir et blanc dans le livre) ; parfois, ils sont utilisés comme une métaphore ou une référence visuelle pour leur produit.”

Au plus profond du deep Web

Au lieu de l’application Tor, il faut ici s’armer d’une lumière ultraviolette, offerte avec le livre photo, pour comprendre ce qui se cache derrière cette première couche de papier et tous ces blancs imprimés à l’encre invisible. Cette lampe est d’ailleurs celle que les forces de l’ordre utilisent quand elles sont à la recherche de traces de stupéfiants.

On découvre bien assez vite qu’il s’agit d’une sélection de clichés des drogues insolites répertoriées sur le darknet, mises en regard avec des photos visibles, à première vue anodines, de grenouilles, de pastèques, de panthères et de Pikachu tirées de la myriade de publicités qui servent à vendre médicaments et drogues dans ce no man’s land sans loi.

Contrairement aux photos des pubs, les images invisibles “ont été prises avec de petits appareils photo ou smartphones, et ont souvent l’air surréalistes et abstraites en raison de l’esthétique mystérieuse et exotique du produit, d’une part, et de la qualité médiocre des photos ou des compétences des photographes-dealers eux-mêmes, de l’autre.”

À travers ces rayons ultraviolets, de curieuses images d’amphétamines, de poudres douteuses, de champignons hallucinogènes et autres clandestinités se dévoilent alors à nos yeux. Qui l’aurait cru en voyant ce titre si énigmatique et cette peinture classique en couverture ? Comme quoi, il ne faut jamais juger un livre à sa couverture.