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En images : les visages tatoués des femmes Chin en Birmanie

En images : les visages tatoués des femmes Chin en Birmanie

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Par Anaïs Chatellier

Publié le

Alors que je repérais les lieux pour organiser ma randonnée dans les montagnes le lendemain, une femme s’est approchée de moi pour me vendre une pipe en terre dans les rues de Kanpelet. J’ai regardé son visage et j’ai tout de suite été fasciné par les lignes de tatouage qui y couraient verticalement de haut en bas.
Le motif de son visage était la signature de son groupe. Je lui ai alors demandé si je pouvais la revoir le lendemain pour prendre une photo car la lumière se dégradait.

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Une pratique qui tend à disparaître

Si cette première rencontre l’a particulièrement fasciné, c’est bien parce qu’il n’avait jamais vu de femmes tatouées de la sorte au visage. Il s’est ainsi pris de passion pour ces traditions et a alors découvert qu’il y a encore une centaine d’années, plusieurs groupes ethniques perpétuaient ce genre rituel, surtout en Asie.
Il cite alors les Aïnous au Japon, les Atayal de Taïwan, les Brâu au Vietnam, mais aussi les Indiens d’Amériques, les Berbères au Maroc et en Algérie, les Inuits dans les régions arctiques et sub-arctiques, ou encore les Maoris en Nouvelle-Zélande.

Appartenance à un groupe, statut social, expression de la spiritualité, mise en valeur de la beauté ou maîtrise des différentes étapes de sa vie sont autant de raisons pour laisser ces traces visuelles de manière permanente.

Mais, ce qui l’a particulièrement frappé dans les tatouages faciaux des Chin, exclusivement réservés aux femmes, c’est qu’ils sont particulièrement élaborés. Fruit d’une longue tradition, la légende dit qu’ils étaient utilisés pour les enlaidir et ainsi empêcher les Rois birmans de les prendre comme esclaves. “Néanmoins, il n’y a aucune preuve historique ou scientifique que les Chin pratiquaient les tatouages faciaux pour défigurer leurs femmes“, précise-t-il. Curieux de connaître leur point de vue, il discutait avec chaque femme dont il faisait le portrait.

La raison la plus courante qu’elles me donnaient c’était la tradition de la communauté, que toutes les autres femmes du village en avaient aussi et que cela amplifiait leur beauté. Certaines m’ont aussi dit que sans ces tatouages, elles n’auraient pas trouvé un homme qui aurait voulu se marier avec elles.

“Blood faces”, une tradition particulièrement douloureuse

Lorsqu’il a voulu réunir dans un ouvrage la plupart de ses portraits, c’est le nom “Blood faces” (visages de sang) qu’il a choisi assez instinctivement pour nommer son livre sorti en 2007.

Le titre “Blood faces” vient à l’esprit assez rapidement lorsque que vous imaginez du sang mêlé à des larmes sur les visages de ces jeunes filles, dont certaines sont à peine âgées de 7 ans, lors de la procédure de tatouage.
Le visage est une des parties les plus sensibles du corps en raison de la forte concentration de nerfs, et piquer une partie de la peau est extrêmement douloureux.

Toutes les femmes que j’ai rencontrées gardent en souvenir cette atroce douleur et m’ont raconté qu’elles ne pouvaient pas manger correctement pendant quelques jours. Pour autant, aucun femme – sauf une –  n’a eu de regrets car c’était la tradition et cela permettait d’élever leur statut social au sein du groupe.

Il est intéressant de voir un renouveau du tatouage facial chez les jeunes Maoris en Nouvelle-Zélande et je ne serais pas surpris d’observer une tendance similaire chez les jeunes femmes Chin à un certain point plus tard.