L’image d’une enfant en larmes à la frontière mexicaine primée au World Press Photo 2019

L’image d’une enfant en larmes à la frontière mexicaine primée au World Press Photo 2019

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© John Moore/Getty Images

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Par Lise Lanot

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Elle remporte le prestigieux prix d'image de l'année.

Ce vendredi 12 avril, la World Press Photo Foundation a récompensé les images et photoreportages de l’année. De l’horreur des trajectoires migratoires entre l’Amérique latine et les États-Unis jusqu’à la Fashion Week de Dakar en passant par le combat de la population irlandaise pour combattre les lois anti-avortement ou les initiatives locales visant à protéger la faune au Zimbabwe, les photographies primées dessinent les problématiques qui agitent notre monde aujourd’hui.

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“Petite fille en pleurs à la frontière”, prix de la photo de l’année, World Press Photo.<br>Des familles d’immigrés ont traversé le Rio grande depuis le Mexique avant d’être détenus par les autorités. Yana (presque 2 ans) et sa mère faisaient partie d’une “caravane” de réfugié·e·s qui a commencé son périple dans le sud du Mexique en avril. Yana, originaire du Honduras, est en pleurs pendant que sa mère, Sandra Sanchez, se fait fouiller par un agent de la US Border Patrol, à McAllen, dans le Texas, aux États-Unis, le 12 juin. (© John Moore/Getty Images)

Le prestigieux prix de la Photographie de l’année a été décerné au correspondant spécial John Moore, pour son image prise à hauteur d’enfant de Yana, une petite fille hondurienne en pleurs à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, tandis que sa mère se fait fouiller par la patrouille américaine des frontières. Ce prix vient récompenser son travail, long d’une dizaine d’années, autour de la crise de l’immigration à la frontière américano-mexicaine.

“C’est un honneur incroyable de recevoir cette distinction […]. Depuis que j’ai commencé à photographier les problèmes d’immigration et de sécurité frontalière, il y a plus d’une décennie maintenant, mon objectif est d’éclairer une histoire souvent racontée par des statistiques. Je suis très fier de voir que ce travail a un impact sur un public mondial”, a-t-il déclaré.

L’image était déjà connue du grand public, puisque le Time avait utilisé la silhouette de la fillette en une, la plaçant face à Donald Trump. Le très glaçant sous-titre “Welcome to America” dénonçait l’indigne politique du président américain.

Depuis 1955, la fondation World Press Photo distingue les images qui ont fait l’année et soutient le photojournalisme à l’échelle internationale. Chaque année, la cérémonie permet ainsi de donner un coup de projecteur sur des problématiques souvent poussées sous le tapis.

“The Migrant Caravan”, Reportage photo de l’année, World press Photo. Une petite fille ramasse des fleurs sur le chemin entre Tapanatepec et Niltepec, soit une distance 50 km. Entre octobre et novembre 2018, des milliers de réfugiés centraméricains ont rejoint une “caravane” à destination des États-Unis. La “caravane”, assemblée grâce à une campagne locale lancée sur les réseaux sociaux, a quitté San Pedro Sula, au Honduras, le 12 octobre 2018. Au fur et à mesure, elle s’est remplie de réfugiés originaires du Nicaragua, du Salvador et du Guatemala. Ces personnes fuyaient la violence, des répressions politiques ou des conditions économiques très difficiles, avec l’espoir de trouver une vie meilleure. La caravane permet de voyager de façon relativement sécurisée sur une route qui a vu de nombreux migrants disparaître ou se faire enlever. C’est aussi une alternative aux prix exorbitants des passeurs.<br>Les caravanes de migrants traversent la frontière américaine à différents moments chaque année, mais cette dernière était la plus grosse vue depuis un certain temps. Selon les agences de l’ONU, plus de 7 000 voyageurs, dont 2 300 enfants, en faisaient partie. Les conditions étaient harassantes : chaque jour, les marcheurs parcouraient environ 30 kilomètres sous des températures de plus de 30 ℃. La “caravane” partait habituellement vers 4 heures du matin afin d’éviter la chaleur. Comme d’autres, cette “caravane” a reçu des condamnations de la part de Donald Trump, qui en a fait un point central lors de ses rassemblements et qui a utilisé cet exemple pour réitérer ses volontés de construire un mur à la frontière et de renforcer les polices d’immigration. (© Pieter Ten Hoopen, Agence Vu/Civilian Act)

“La crise du Yémen”, reportage gagnant de la catégorie Actualité généraliste, World Press Photo.<br>Après quasiment quatre années de conflit au Yémen, au moins 8,4 millions de personnes risquent de mourir de faim et 22 millions de personnes (75 % de la population) ont besoin d’une aide humanitaire, selon les Nations unies. En 2014, des rebelles houthis de l’islam chiite se sont emparés des régions situées au nord du pays, forçant ainsi à l’exil le président, Abdrabbuh Mansour Hadi. Le conflit s’est étendu et a monté en pression lorsque l’Arabie saoudite, en coalition avec 8 pays arabes sunnites, a bombardé les Houthis. En 2018, la guerre avait créé ce que les Nations unies ont appelé la pire catastrophe humanitaire causée par l’homme. <br>L’Arabie saoudite a déclaré que l’Iran, un pays à majorité chiite et rival régional du Yémen, fournissait aux Houthis des armes et des munitions, une accusation rejetée par l’Iran. La coalition dirigée par l’Arabie saoudite a mis en place un blocus sur le Yémen, imposant des restrictions d’importation sur la nourriture, les médicaments et l’essence. Les pénuries engendrées n’ont fait qu’exacerber la crise humanitaire. <br>Dans la plupart des cas, les conditions de quasi-famine n’étaient pas tant causées par le manque de nourriture, mais par les prix de celle-ci, des prix bien trop hauts pour la majorité des Yéménites. (© Lorenzo Tugnoli, Contrasto pour le Washington Post)

“Akashinga – Les courageuses”, image gagnante de la catégorie Environnement, World Press Photo.<br>Akashinga (‘The Brave Ones’) est une force de gardes forestiers pensée comme un modèle de conservation alternatif. Son but est de travailler avec, plutôt que contre, les populations locales, pour le bien-être à long terme de leurs communautés et de l’environnement. Akashinga emploie des femmes issues de milieux défavorisés et aide les habitants à bénéficier directement de la préservation de la vie sauvage. Petronella Chigumbura (30 ans), membre de l’unité entièrement féminine contre le braconnage participe à un entraînement en camouflage et discrétion dans le parc naturel de Phundundu au Zimbabwe. (© Brent Stirton/Getty Images)

“Blessed Be the Fruit : le combat de l’Irlande pour contrer les lois anti-avortement”. Image gagnante de la catégorie “Problématiques contemporaines”, World Press Photo.<br>Megan Scott pose habillée en sainte Brigid, la sainte patronne de l’Irlande, dans la rue commerciale principale de Dublin, le 21 avril. <br>Le 25 mai, l’Irlande s’est prononcé, d’une large majorité, pour l’annulation de ses lois concernant l’avortement, parmi les plus restrictives du monde. Depuis un référendum datant de 1983, le huitième amendement de la constitution irlandaise a renforcé son interdiction des arrêts volontaires de grossesse, même celles résultant de viols ou d’inceste. Avant le référendum, environ 3 000 femmes allaient jusqu’en Angleterre chaque année pour se faire avorter. En 2012, la mort de Savita Halappanavar, d’une septicémie après que les médecins lui ont refusé un avortement, a choqué le pays et a galvanisé les foules en campagne pour mettre un terme à cette interdiction. Son nom est devenu synonyme du mouvement visant à abroger le huitième amendement. La campagne s’est étendue, sous les arguments que les restrictions imposées aux femmes ont un impact sur toute la société et que le soutien des hommes était indispensable. Les militants ont utilisé les réseaux sociaux pour diffuser leur message et l’ont porté jusque dans les rues, sous la forme de manifestations et de pièces de théâtre. Près des deux tiers de la population irlandaise se sont prononcés lors du référendum. 66,4 % des participant·e·s ont voté l’abrogation de la loi. Dès la fin de l’année, le président irlandais avait signé un nouvel article à la loi, permettant à toutes les femmes enceintes de moins 12 semaines d’avorter sans frais. (© Olivia Harris)

“La disparition de Jamal Khashoggi”, image gagnante de la catégorie “Actualité générale”, World Press Photo. <br>Un individu non identifié tente de retenir la presse le 15 octobre, alors que les détectives saoudiens arrivent au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, en Turquie et que grossit un tollé international concernant la disparition du journaliste Jamal Khashoggi. (© Chris McGrath/Getty Images)

“La récolte des cuisses de grenouille”, image gagnante de la catégorie Nature, World press Photo.<br>Les grenouilles aux pattes coupées et entourées de larves se débattent à la surface, après avoir été rejetées à l’eau à Covasna, en Roumanie, en avril 2018. (© Bence Máté)

“Double problème, double bénédiction”, reportage gagnant de la catégorie Portraits, World Press Photo.<br>Le Nigeria a une des plus grandes proportions de jumeaux dans le monde, particulièrement au sein du peuple yoruba, qui vit dans le sud-ouest du pays. Les communautés ont développé des pratiques culturelles différentes en réponse à ce taux très haut de naissances, de la vénération jusqu’à la diabolisation. Autrefois, les jumeaux étaient parfois considérés comme démoniaques dans certaines régions et étaient vilipendés ou tués à la naissance. Désormais, l’arrivée de jumeaux est plutôt accueillie par des célébrations et la plupart des gens pensent qu’ils apportent fortune et bonne chance. Dans la ville d’Igbo-Ora, surnommée “Le foyer des jumeaux”, chaque famille comporterait au moins une paire de jumeaux. En 2018, la ville a mis en place un festival des jumeaux, auxquels plus de 2000 paires de jumeaux ont participé. (© Bénédicte Kurzen, Noor et Sanne de Wild)

“Dakar Fashion”, image gagnante de la catégorie Portraits. <br>Dakar est une plateforme montante de la mode franco-africaine. C’est là qu’est situé Fashion Africa TV, la première chaîne du continent dédiée à la mode. Lors de la semaine de la mode annuelle de Dakar, un extravagant défilé ouvert à tous est organisé dans la rue et attire des milliers de participants venus des quatre coins de la capitale. Adama Paris (à l’origine d’une marque éponyme) a un rôle moteur dans cette semaine de la mode, et dans le paysage de la mode en général. (© Finbarr O’Reilly)

“La boxe à Katanga”, image gagnante de la catégorie “Sports”. <br>La boxeuse Moreen Ajambo (30 ans) s’entraîne au club de boxe Rhino, à Kantanga, un gros bidonville situé à Kampala, en Ouganda, le 24 mars. Plus de 20 000 personnes vivent à Katanga, entassées les unes sur les autres dans des conditions d’extrême pauvreté. Le club de boxe ne reçoit aucun financement extérieur. Ajambo, mère de 7 enfants, boxe dans l’équipe féminine du pays. La boxe masculine a une longue histoire en Ouganda mais les boxeuses sont souvent frustrées par le peu d’opportunités qu’elles trouvent pour concourir à un niveau international. (© John T. Pedersen)