Entre traditions et modernité, le peuple Mapuche à l’honneur

Entre traditions et modernité, le peuple Mapuche à l’honneur

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img219_ret – 2016 – Collodion humide sur plaque de verre

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Par Lise Lanot

Publié le

Le Musée de l’homme célèbre les Mapuche, peuple chilien, à travers une galerie de portraits réalisés avec le procédé du collodion humide.

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Actuellement, le peuple Mapuche vit dans le sud du Chili et dans l’environnement urbain de Santiago, la capitale du pays. Le Musée de l’homme place cette population au centre d’une exposition, présentée en ce début d’année. Celle-ci présente les visages qui constituent le peuple, ainsi que sa culture. Sont photographiés, entre autres, pasteurs, rappeurs et enfants. Le musée propose aussi de découvrir les coutumes des Mapuche, notamment “les pratiques rituelles et la connaissance des plantes qui se maintiennent, se transmettent et se transforment à travers la relation entre l’ancienne et la nouvelle génération”, précise le musée.

Le projet découle de la collaboration entre les chercheurs du département “hommes, natures, sociétés” du Muséum national d’Histoire naturelle et le collectif “Ritual Inhabitual”, composé de deux artistes chiliens vivant en France, Tito Gonzalez Garcia et Florencia Grisanti. Le duo d’artistes unit arts et sciences afin de créer des œuvres qui ouvrent une réflexion “sur la place des rituels dans le monde moderne”. Ils s’intéressent particulièrement à la binarité de ce qui nous entoure, telles que les notions de vie et de mort, et de culture et nature par exemple. Les deux artistes sont partis à la recherche des visages, singuliers et uniques, qui forment un peuple à l’histoire centenaire.

Un projet entre modernité et traditions

Ce nouveau projet est au croisement de ces différentes questions de dualité. La relation ancestrale entretenue par le peuple Mapuche et les plantes de leur région est mise en relief par la constitution d’un herbier qui compile ces plantes et qui illustre la diversité de leurs usages. La problématique du passage des générations et de leur évolution (qui questionne in fine le lien entre la vie et la mort) est quant à elle abordée à travers le travail photographique de l’exposition. Celui-ci a porté sur “les communautés amérindiennes ‘traditionnelles’ mais aussi catholiques, évangéliques et les jeunes rappeurs de la banlieue de Santiago”.

S’ils sont évidemment modernes, ils conservent toutefois un lien certain avec leurs traditions. Cette attache avec le passé est mise en lumière à travers l’utilisation d’une technique de photographie ancienne. Les portraits, contemporains, ont été réalisés via le procédé du “collodion humide”, un procédé photographique datant de 1851 précise le site du musée :

“La technique du collodion humide produit un négatif sur verre qui, posé sur un fond noir, devient un positif que l’on appelle ambrotype. Elle consiste en l’application d’une épaisse émulsion liquide sur une plaque de verre, qui est ensuite plongée dans un bain de nitrate d’argent, puis transférée dans un châssis étanche à la lumière. Les prises de vue se font à l’aide d’une chambre photographique. La photographie au collodion humide nécessite des manipulations chimiques, le transport d’une chambre noire portative, une rigueur et un soin extrêmes mais elle permet d’obtenir un rendu d’une grande finesse.”

Un procédé pour renverser l’histoire

L’utilisation de cette technique donne lieu à un résultat atypique, qui pousse à la réflexion. Les visages photographiés sont ceux des héritiers d’un peuple à l’histoire longue et dense, héritiers qui oscillent entre traditions, rituels et modernité. Le fait que les images soient produites pas une technique vieille de plus de 150 ans interroge leurs relations au passé et au présent, et souligne l’histoire dense de ce peuple. Ritual Inhabitual explique ce choix sur leur site :

“Nous avons décidé de travailler au collodion humide, une technique de 1851. Parce qu’à cette époque, les populations Mapuche se faisaient décimer au Chili et en Argentine. Aux États-Unis (de 1880 à 1890), des photographes traversaient les plaines et photographiaient les chefs indiens grâce à cette technique, principalement parce qu’ils sentaient que la création de la nation se baserait sur l’annihilation des autochtones.”

Cette décision de travailler au collodion humide prend donc le contre-pied de l’Histoire. Une pratique employée à l’époque pour immortaliser des peuples voués à être décimés est aujourd’hui utilisée pour mettre en avant la diversité, l’évolution de l’un de ces peuples. Dans une vidéo publiée sur leur site, et disponible ci-dessous, on découvre le travail de chimiste et d’archiviste auquel se sont attelés Tito Gonzalez Garcia et Florencia Grisanti. Avec leur chambre noire portative (leur voiture), ils ont parcouru les régions chiliennes afin de photographier les visages divers qui composent ce peuple.

Mapuche, voyage en terre Lafkenche est exposée au Musée de l’homme jusqu’au 23 avril 2017.