Les images d’Arunà Canevascini détournent les stéréotypes féminins

Les images d’Arunà Canevascini détournent les stéréotypes féminins

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Par Lise Lanot

Publié le

Arunà Canevascini traite de sujets universels la touchant personnellement, tels la place des femmes, la relation à la mère et l’exil.

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Inspirée par les peintres et photographes flamands, Arunà Canevascini a photographié sa mère, et parfois elle-même, dans des mises en scène travaillées. Apportant un soin particulier à la composition et à la lumière de ses photographies, l’artiste soulève des questions sans laisser de côté l’aspect esthétique de l’image. Arunà Canevascini revisite des classiques de la peinture, tels La Grande Odalisque de Jean-Auguste-Dominique Ingres, et crée des images qui remettent en question différents stéréotypes et clichés.

Une exploration visuelle de la relation mère-fille

Les compositions d’Arunà Canevascini prennent place dans la maison dans laquelle elle a grandi, en Suisse. Dans une interview accordée au site Fotoroom, la jeune photographe indique que la maison est “souvent vue comme une prison pour les femmes”, mais que dans son projet cela a au contraire été “un lieu d’émancipation”.

Ses photos mettent en scène sa mère, parfois seule, parfois en duo avec Arunà, dans la maison familiale, qui “a toujours été la scène de théâtre sur laquelle [elles pouvaient] librement exprimer et former [leur] identité”. Cet environnement familier place les photographies d’Arunà Canevascini au centre d’un questionnement sur l’identité.

La photographe mêle tous ces éléments en intégrant dans ses images des objets personnels qu’elle a toujours connus, à l’instar de sculptures de sa mère, de tapis ou de pièces de vaisselle. Chaque objet, chaque accessoire présente un choix personnel et réfléchi de l’artiste.

Le rapport à soi et le rapport à l’autre : l’exil

La présence de sa mère rappelle aussi les origines d’Arunà Canevascini. Née en Suisse d’un père suisse et d’une mère iranienne, c’est seulement par la présence de sa mère que la jeune femme s’est familiarisée avec la culture iranienne. Une culture qui, elle le précise, lui vient sous la forme d’un “écho distant”. Ici encore, les objets ont leur signification :

“J’essaie de capturer quelques-uns de ces aspects [de la culture iranienne, ndlr] dans mes photographies, à l’instar de la photo des théières dans l’arbre qui symbolisent l’Iran. Pour moi, cette photo représente l’exil et la migration.”

Pour traiter de l’orientalisme, la photographe s’est inspirée des écrits sur le sujet de l’universitaire Edward W. Said et des représentations de “la femme orientale” dans la peinture du XIXe siècle. Elle nous explique :

“Ma photographie représente un stéréotype de la femme orientale : l’odalisque. À travers cette image, j’essaie de montrer comment les femmes ont toujours été représentées dans l’histoire de l’art par des artistes hommes qui ont toujours donné une image idéalisée et faussée d’elles.

J’essaie aussi de représenter la façon dont la société a construit des idées préconçues sur les rôles que devraient endosser les femmes, en particulier celui de devoir rester confinée dans l’espace domestique. C’est pour cela que dans cette image, une casserole est posée sur le visage de ma mère, un objet lié à la vie domestique, qui vient couvrir son identité.”

De façon plus générale, la photographe raconte avoir voulu détourner avec ironie certains stéréotypes ainsi que “rendre visible l’espace domestique, un aspect de la vie que l’on considère comme banal, inintéressant et moins important que la sphère publique”. Cette série mélange donc photos intimes et mises en scènes travaillées, car Arunà Canevascini insiste : “L’intimité est pour moi un aspect politique.” L’artiste réunit donc dans son travail des images très personnelles (“c’est le cas des nus et des autoportraits”) et des mises en scène qui “traitent de thématiques plus larges, comme les conditions féminines ou l’exil”.