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Des images abstraites de Klein, Ifert, Zamecznik réunies dans l’exposition “Photographisme”

Des images abstraites de Klein, Ifert, Zamecznik réunies dans l’exposition “Photographisme”

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Par Lisa Miquet

Publié le

Avec l’exposition “Photographisme”, le Centre Pompidou questionne les relations entre photographie et arts graphiques.

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La galerie de photographies du Centre Pompidou consacre actuellement une exposition inédite qui interroge les relations entre photographie et arts graphiques. Une exploration ambitieuse à la croisée des chemins, qui convoque à la fois l’histoire de l’art et celle de la publicité. En effet, si la photographie et le graphisme ont tous deux émergé au début du XXe siècle, c’est seulement après-guerre que les deux disciplines se sont rapprochées, jusqu’à fusionner en “photographisme”.

Situé à la frontière des disciplines, le photographisme pose une problématique assez délicate : il traite de la pratique et de l’usage de la photographie, un art, comme outil de réalisation graphique. En d’autres termes, l’exposition met en lumière les débuts de l’utilisation de la photographie abstraite dans le design publicitaire. On découvre alors au Centre Pompidou une centaine de documents inédits qui témoignent du caractère expérimental du mouvement et éclairent un pan important de l’histoire de l’art.

Un prélèvement dans l’histoire

La galerie abrite donc des photomontages, des images abstraites, des photogrammes, des dessins lumineux et autres recherches graphiques, réalisés principalement à des fins commerciales. Pour aborder la question du photographisme, le Centre Pompidou a décidé de se focaliser sur trois artistes : Gérard Ifert, William Klein et Wojciech Zamecznik. Trois artistes qui ne se connaissent pas, qui n’ont jamais travaillé ensemble, qui n’utilisent pas les mêmes procédés, mais dont les sensibilités artistiques et travaux peuvent se rejoindre. En choisissant de mettre l’accent sur ces avant-gardistes, le musée n’a pas une vocation d’exhaustivité mais, au contraire, vise plutôt à mettre en avant une partie de l’histoire.

L’exposition débute avec un photogramme de Man Ray, datant de 1931, réalisé pour une compagnie d’électricité. Il montre que dès le début du XXe siècle, on commence à comprendre l’intérêt que peuvent avoir les expérimentations photographiques dans le domaine publicitaire et à les considérer comme un nouveau langage. À partir de 1945, on note un véritable essor, mais c’est surtout durant les années 1950 et 1960 que les artistes sont les plus prolifiques.

L’efficacité visuelle de la photographie

L’exposition se penche sur les travaux de Gerard Ifert, artiste surtout connu dans le domaine du graphisme, qui présente une véritable sensibilité pour la photographie. Fortement influencé par l’école du Bauhaus, Ifert perçoit immédiatement le potentiel d’efficacité visuelle de la photo dans l’art graphique. Il décide en 1950 d’installer une chambre de développement chez ses parents et pratique la photographie en amateur. Il réalise de nombreuses études, principalement faites de nuit : il immortalise en pause longue le mouvement d’un manège, celui des voitures ou encore celui d’un pendule suspendu. Il considère ensuite ses images d’objets lumineux comme une matière première qu’il recadre, travaille, agrandit.

À la même époque à Varsovie, Wojciech Zamecznik expérimente plus ou moins avec les mêmes procédés. Architecte particulièrement renommé, son travail photographique demeure encore méconnu à ce jour. Alors qu’il est étudiant en architecture, Zamecznik commence à gagner sa vie en tant que graphiste et réalise plusieurs dizaines de projets par année, principalement dans le domaine de la culture – musique et expositions. Extrêmement prolifique, l’artiste laisse derrière lui une œuvre très riche autour de l’abstraction photographique, et des archives intactes, particulièrement ordonnées.

De l’autre côté du globe, l’Américain William Klein – surtout connu pour ses photographies de New York et ses clichés de mode – a aussi beaucoup exploré le langage photographique abstrait. L’année 1952 est une date charnière dans la carrière du photographe, puisqu’elle marque le moment où Klein va véritablement se consacrer à la photo. Alors qu’il est peintre à Paris, l’artiste a besoin de gagner sa vie et réalise des projets graphiques. Pour cela, il fait des essais photographiques et remarque l’efficacité et le dynamisme qui se dégage des images, lesquels répondent particulièrement bien à l’exercice de la création graphique. Il installe alors une chambre noire et cherche à créer des formes. Comme un clin d’œil à l’étymologie du terme “photographie”, Klein commence à peindre avec la lumière.

Il entame alors un processus de création qui sera particulièrement fécond. Si toutes ses recherches n’aboutissent pas, il signe de nombreuses couvertures du magazine Domus grâce à ses clichés abstraits. C’est lors d’une exposition de ses essais photographiques que Klein se fait repérer et poursuit la carrière qu’on lui connaît aujourd’hui. Le photographisme a donc permis à William Klein de faire le pont entre sa carrière de peintre et celle de photographe.

En interrogeant les liens qu’entretiennent photographie et graphisme, l’exposition nous montre comment le domaine de la publicité a pu avoir des répercussions positives dans le domaine de l’art, permettant à de nombreux artistes d’expérimenter et de sortir de leur zone de confort. Une exposition pointue mais captivante, à découvrir jusqu’au 28 janvier 2018.

“Photographisme : Klein, Ifert, Zamecznik”, du 8 novembre 2017 au 29 janvier 2018 à la galerie de photographies du Centre Pompidou.