Le malaise d’un reporter de guerre immergé dans le jeu de survie The Last of Us

Le malaise d’un reporter de guerre immergé dans le jeu de survie The Last of Us

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Par Théo Chapuis

Publié le

J’ai adoré le concept. Ça m’a inspiré l’idée du photojournalisme produit sans appareil photo physique, représenté à la perfection dans le travail de Mishka Henner, No Man’s Land, un projet qui utilise Google Street View pour documenter les problèmes de prostitution en Europe.

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“J’ai détesté ça”

Tout vétéran de la guerre en Irak qu’il fût cinq ans durant, il raconte que c’est précisément la violence du jeu qui l’a le plus perturbé.

J’ai détesté ça. Quand j’ai couvert la guerre, c’était avec un appareil photo, pas un flingue. Chez moi, je réalisais au bout de trente minutes de jeu que je développais des crampes à l’estomac, que ma vision se troublait avant finalement de m’effondrer. J’ai sérieusement pensé que ça serait mon dernier reportage pour TIME.

Au combat, j’ai besoin de me trouver en position, préparé pour chacune de mes prises, et je n’ai alors que quelques centièmes de secondes pour les prendre avant que la situation ne change et que je doive me déplacer. Un moment, une séquence.
Dans le jeu, je pouvais arrêter le temps. J’avais un temps illimité pour faire mes expériences et capturer l’image en variant angles, profondeur de champ, exposition, grain, vignettes et objectifs.

“Les imperfections rendent la photographie humaine”

Or, tout finit par être un peu trop parfait pour Gilbertson. “C’était trop propre”, témoigne-t-il. Et il poursuit : “Ce n’était pas compliqué de shooter des images qui rappelaient des affiches de films de guerre ou qui auraient pu servir de publicité pour le jeu lui-même […]. Je suis persuadé que ce sont les imperfections qui rendent la photographie humaine”.
Et de poursuivre :

Dans la publicité, les choses semblent parfaites. Dans le journalisme, il manque toujours un truc. Ce que certains voient comme une faiblesse dans notre travail, je le vois comme faisant partie de notre tableau.

Je suis intéressé par un type de photographie plus engagé émotionnellement, là où ce sont les réactions de l’être humain face à une situation qui donnent vie à une histoire.

Accoutumance à la violence

Finalement, Ashley Gilbertson tire un âpre constat de son expérience. Primo, il est vraiment nul aux jeux vidéo. Mais surtout, et cela déplaira sans doute aux gamers qui nous lisent, s’accoutumer autant à la violence visuelle du jeu vidéo “finit par nous transformer nous-même en zombies [il ne s’agit pas de zombies dans le jeu vidéo mais de personnes infectées, ndlr].

C’est la plus grande question que je me pose en tant que photographe. Comment toucher un lectorat pour qui voir des gens qui meurent en masse dans les zones de guerre est inhabituel à la suite de jeux comme celui-ci ?