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Le quotidien de strip-teaseuses de fêtes foraines documenté par Susan Meiselas

Le quotidien de strip-teaseuses de fêtes foraines documenté par Susan Meiselas

Image :

© Susan Meiselas/Magnum Photos

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Par Lise Lanot

Publié le

Trois étés de suite, la photographe s’est intéressée à ces danseuses, fantasmées par le public mais marginalisées par la société.

À l’âge de 23 ans, Susan Meiselas ne se considérait pas encore comme une “vraie” photographe. Sa curiosité et son intérêt pour la façon dont la société traitait les femmes, leur sexualité et leur image lui permirent de créer son premier projet photo d’envergure, Carnival Strippers. Vieille de près de cinquante ans, la série dédiée au quotidien de strip-teaseuses de fêtes foraines n’a rien perdu de sa pertinence pour traiter de ces questions sociétales.

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C’est par hasard que Susan Meiselas rencontre ces femmes qui se dénudent et dansent pour gagner leur vie. À vrai dire, la photographe n’aurait même jamais dû les rencontrer : les tentes où les danseuses travaillent se trouvent au fond des fêtes foraines que la photographe visite le long de l’été 1972. Bien qu’interdites “aux femmes et aux enfants”, une de ces tentes s’ouvre à Susan Meiselas après une rencontre fortuite avec une strip-teaseuse dans des toilettes.

Entrée de la tente du Star and Garter, Vermont, États-Unis, 1974. (© Susan Meiselas/Magnum Photos)

Fascinée par ce nouveau monde qui se présente à elle, la photographe décidera de retrouver ces femmes – et d’autres – l’année suivante, puis l’année d’après, jusqu’en 1975. Trois étés durant, elle côtoie, écoute et photographie des femmes qui lui racontent leur quotidien, leur travail ainsi que leur point de vue sur cette carrière qui les stigmatise.

Pour prendre ses photos, elle doit se déguiser en homme. Ces déguisements l’aident à se rendre invisible au sein des scènes qu’elle immortalise : le public masculin ne la remarque même pas.

Un travail anthropologique

Au milieu des années 1970, Susan Meiselas s’attaque aux questions qui polarisent son époque, à savoir les droits des femmes, la libération sexuelle et les droits civiques. La galerie Magnum, qui présente actuellement une exposition de la série, précise que la photographe était “très intéressée par les questions de classes”.

Ses images et la centaine d’heures d’entretien qu’elle mène avec ses modèles interrogent le pouvoir que leur activité donnait à ces femmes, ce qu’elles fuyaient. “Elle voulait permettre l’expression des femmes, personne ne s’intéressait à elles”, ajoute Samantha McCoy, directrice de la galerie.

Le jour de congé de Shortie, Maine, États-Unis, août 1973. (© Susan Meiselas/Magnum Photos)

Plus que de s’intéresser à elles, Susan Meiselas veut les montrer telles qu’elles veulent se présenter. Elle devient très proche des danseuses et souhaite les laisser s’exprimer : “Elle n’était pas là pour imposer son regard à elle. Elle voulait poser des questions sociales plus larges et apporter une approche anthropologique de la photo. C’était un travail de fond très audacieux et courageux à réaliser en 1972, surtout de la part d’une femme”, souligne Samantha McCoy.

La photographe met un point d’honneur à montrer tous ses essais photographiques à ses modèles. Ainsi, ces dernières peuvent choisir quelle image sera tirée. Voyant qu’elles privilégient les portraits, Meiselas se met à en prendre davantage, en plus de ses images prises en coulisses. Le travail devient collaboratif, d’autant qu’elle avoue ne jamais s’être sentie assez à l’aise pour diriger les femmes.

Un demi-siècle plus tard, les images de Carnival Strippers sont toujours d’actualité, autant pour ce qu’elles racontent que pour la façon dont elles ont été prises, sans voyeurisme ni regard intrusif. Pour cette nouvelle édition de la célèbre série, la photographe partage des tirages couleur inédits, qui rendent ces images d’autant plus modernes.

Lena sur la plateforme, Vermont, États-Unis, 1973. (© Susan Meiselas/Magnum Photos)

L’exposition des photos de Susan Meiselas “Carnival Strippers” est visible à la galerie Magnum jusqu’au 30 avril 2022. Située au 68 rue Léon Frot (Paris). Pour ouvrir la porte cochère, il suffit d’appuyer sur le bouton du digicode, l’espace d’exposition se situe au fond de la cour.

Konbini arts, partenaire de Magnum Photos.