L’histoire ahurissante de ce Brésilien qui s’est fait passer pour un photographe de guerre

L’histoire ahurissante de ce Brésilien qui s’est fait passer pour un photographe de guerre

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Il a aujourd’hui supprimé son compte Instagram et désactivé son site officiel. Il ne reste aucune trace de lui sur le Web.

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Depuis quelque temps, un jeune brésilien commençait à se faire connaître, notamment sur Instagram, pour sa grande carrière de photojournaliste. Un certain Eduardo Martins (dont l’identité n’est pas confirmée), un Brésilien de 32 ans, s’est fait passer sur les réseaux sociaux pour un photojournaliste couvrant les conflits en Palestine, Syrie et Irak alors qu’il se la coulait douce sur les plages de São Paulo et (peut-être) d’Australie.

Il prétendait faire partie de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (rien que ça). Et il en a dupé plus d’un : on a parlé de son travail sur Vice, Le Point, The New York Times, The Wall Street Journal, Le Monde, The Telegraph, Al Jazeera, Deutsche Welle ou encore BBC Brazil. Son compte Instagram et son site officiel ont été récemment supprimés. En un claquement de doigts, il est devenu un fantôme.

L’imposture a été loin puisqu’il est parvenu à vendre des photos volées et photoshopées appartenant à d’autres photographes. Sa technique pour parfaire sa supercherie : il a changé l’axe horizontal des photos, produisant un effet miroir. En parallèle, comme le relate le site SBS, “Eduardo” s’est inventé un parcours assez “étonnant” : par exemple, il aurait combattu une leucémie à 25 ans.

L’imposteur démasqué

C’est le 31 août que son petit jeu cesse : Fernando Costa Netto, journaliste et photographe de guerre brésilien, avertit Eduardo (avec qui il échangeait beaucoup sur WhatsApp et dont il avait fait le portrait pour un journal local) que des médias ont découvert son imposture. La réaction d’Eduardo Martins a confirmé les suspicions qui pesaient à son égard : il a immédiatement supprimé son compte Instagram et désactivé son site officiel. S’il n’avait rien à se reprocher, il n’aurait tout simplement pas agi de la sorte. Pour sa trahison allant à l’encontre des valeurs déontologiques de la profession, Fernando Costa Netto a beaucoup été critiqué par la suite.

Peu après son avertissement, Fernando reçoit un message de la part d’Eduardo :

“Je suis en Australie. J’ai décidé de prendre une année sabbatique dans un van. Je vais tout désactiver et me couper d’Internet. Je veux être en paix, nous nous verrons à mon retour. Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu peux m’écrire à cette adresse : dudumartins23@yahoo.com. Je t’embrasse fort. Je vais supprimer WhatsApp. Que Dieu te bénisse. Je t’embrasse.”

BBC Brazil a été le premier média à sortir un article dénonçant la fraude, le 1er septembre. Ce même média a été victime de l’imposture puisqu’il dressait quelques semaines plus tôt un portrait de ce “jeune prodige” de la photographie.

La journaliste Natasha Ribeiro, qui a mené cette investigation, déclare que ses soupçons ont grandi lorsqu’en Irak, plusieurs photojournalistes brésiliens ont attesté n’avoir jamais vu d’Eduardo Martins sur une scène de guerre précise que ce dernier se vantait d’avoir couverte, quelques semaines plus tôt. “Personne, parmi les autorités et les organisations non gouvernementales en Syrie ou en Irak n’ont entendu parler de lui”, ajoute-t-elle.

Des photos truquées et volées

En se penchant sur son profil, le photographe brésilien Ignacio Aronovich a découvert comment Eduardo truquait des photos volées. Outre l’effet miroir qui inverse l’axe d’une photo, Ignacio a réussi à trouver l’un des photojournalistes victimes de vol. Plusieurs photos publiées par l’imposteur appartenaient à l’Américian Daniel C. Britt, vivant en ce moment en Turquie et couvrant réellement les conflits au Moyen-Orient. Dans un post Facebook, le journaliste compare plusieurs photos inversées.

Le site SBS rapporte que jusqu’à dimanche 3 septembre, la banque d’images Getty vendait encore ses photos pour 575 dollars. Mais tout a été retiré depuis. Sacrée histoire.