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Avec ses nus surréels et sensuels, Blaise Cepis prend la photographie à bras-le-corps

Avec ses nus surréels et sensuels, Blaise Cepis prend la photographie à bras-le-corps

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Par Océane Monange

Publié le

Malmenés, contorsionnés, déformés, dédoublés, entremêlés, juxtaposés, les corps chez Blaise Cepis sont un terrain de jeu et d’expression, une toile vierge à (dé)peindre.

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Une jambe là où devrait se trouver un torse, des créatures à deux têtes, des chimères mi-reptiles mi-humaines, des femmes sculpturales, dans tous les sens du terme : bienvenue dans l’univers de Blaise Cepis où l’érotisme se teinte de grotesque. Un grotesque grinçant, parfois dérangeant, souvent intrigant voire fascinant. Au cœur de son travail, le corps est plus qu’un sujet, il est l’inspiration centrale, une matière première malléable à l’envi. À la manière d’un sculpteur façonnant la glaise, l’Américain manipule les corps, son matériau de prédilection, les déforme et les combine pour créer tout autre chose.

Blaise Cepis ne se considère pas à proprement parler comme un photographe. Ce natif de Philadelphie, basé à Brooklyn, a étudié à la Parsons School of Design avant de rejoindre les équipes créatives des agences Mother et JWT en free-lance. Une expérience dans la pub qu’il qualifie lui-même de “soulsucking” (qui vous aspire l’âme), comme il le confie au magazine It’s Nice That.

Ceci dit, malgré cette sentence, ce bagage professionnel a sans aucun doute laissé son empreinte sur sa pratique photographique. Le monde publicitaire a acéré son œil, le conduisant à une maîtrise très pointue du langage visuel, sans parler de sa virtuosité pour user des logiciels de retouche et de son talent incontestable pour la composition. Une inventivité à toute épreuve qu’il injecte dans ses images.

Nature morte du vivant

Omniprésent dans son travail, le corps nu, souvent pris en “pièce détachée”, décomposé ou déformé, se retrouve par là même dépouillé de son caractère purement figuratif ou érotique. Il en deviendrait presque une nature morte, une pièce d’un bric-à-brac absurde sorti de l’imaginaire débordant de l’artiste. L’influence du monde publicitaire est manifeste dans son travail, qui n’est pas sans rappeler celui du photographe Lucas Blalock, officiant lui aussi à Brooklyn.

La nature morte est une niche de la photographie commerciale, qui s’attelle aux objets inanimés : elle sacralise le produit et l’érige en icône désirable. Avec ses fonds colorés, ses éclairages et ses cadrages serrés, Blaise Cepis reprend les codes de la nature morte publicitaire pour mieux s’en départir. Il se réapproprie le genre à travers des clichés où il ne s’agit pas de vendre mais d’être(s).

Cadavre exquis et sexy

L’artiste nous offre des sortes de cadavres exquis photographiques où certains éléments semblent avoir été ajoutés par une personne différente, bien qu’une véritable harmonie née de la composition s’en dégage. Par des jeux de miroirs et projections ou de savants collages et superpositions d’images, Blaise Cepis conçoit des créatures à la fois enchanteresses et monstrueuses.

Si ses nus sont presque exclusivement féminins, et qu’une franche sensualité émane des images, l’idée n’est pas de purement érotiser les modèles pour satisfaire le male gaze. Certaines photos mettent en scène des groupes de jeunes femmes en string et topless, mais l’attention du spectateur est davantage attirée par les postures, souvent incongrues, la combinaison des corps et l’effet d’ensemble, bref, la composition, que par les corps dénudés. La pose et l’angle de prise de vue font sens ensemble et deviennent les éléments indissociables d’un tout. Même constat pour ces deux corps de dos, dont la tête est cachée par un rideau de velours rouge dans un décor lynchien.

Il y a toujours un détail drôle, dissonant ou esthétique (tels les projections de lumières et les motifs colorés), un filtre, une petite barrière, quelque chose qui cloche et fait diversion. Un jeu de l’humour mais non du hasard tant ses illusions d’optique et ses montages sont astucieux. La subversion n’est alors plus dans l’érotisme mais dans ce pied de nez fait au spectateur, pris entre malaise et attraction.

Malgré notre gêne, le photographe semble toujours être là pour nous taper sur l’épaule et nous murmurer : “It’s alright, we’re alright” (“tout va bien, nous allons bien”, le nom qu’il a donné à son compte Instagram). Les images de Blaise Cepis interpellent pour ce qu’elles sont, des expérimentations à la fois loufoques et sincères, surréalistes et pleines de vérité, sans prétention et sophistiquées.

Un travail à découvrir sur le compte Instagram ou le site personnel de l’artiste.