Le paysage industriel européen à travers l’objectif de Geert Goiris

Le paysage industriel européen à travers l’objectif de Geert Goiris

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Dans sa série Peak Oil, le photographe Geert Goiris met en lumière la beauté visuelle de sites industriels à travers l’Europe.

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Les industries, friches et autres usines sont à première vue des lieux assez hostiles. Mais on peut y trouver une certaine beauté sauvage, où les lignes grises de ce paysage industriel contemporain deviennent des éléments esthétiques et géométriques. C’est dans cette mise en relief que réside le travail effectué par le photographe belge Geert Goiris pour Rubis Mécénat.

Sa série Peak Oil fait l’objet d’une exposition au Frac de Rouen, lieu au design industriel bâti au cœur d’une ancienne usine de tramway, dans lequel Geert a déjà vu ses photos accrochées aux murs l’année précédente. Le terme “Peak Oil”, “pic pétrolier” en français, fait référence au moment où la production mondiale de pétrole augmente fortement avant de commencer à décliner et de provoquer un épuisement des réserves de pétrole exploitables.

En suivant la tradition de la Datar, le Frac de Rouen veut mettre en avant la photographie de territoire en faisant appel à des artistes. C’est ainsi que Geert Goiris s’est rendu sur douze sites portuaires et industriels de Rubis Terminal, un groupe spécialisé dans la distribution de produits pétroliers, un peu partout en Europe : de Dunkerque à Rouen, en passant par Brest, Strasbourg, Bastia, Ajaccio, Rotterdam et Anvers. Il a réalisé ainsi un tour d’horizon assez vaste.

Une esthétique plastique

Geert a effectué un réel travail documentaire, contemplatif et quasi archéologique mais aussi plastique, où nature et architecture industrielle cohabitent. Bacs, silos, raffineries pétrolières, terminaux, fumée épaisse et réservoirs sont présentés comme des sculptures. En usant de son argentique en pose longue et de pellicules infrarouge, l’artiste parvient à apporter un caractère évanescent à ses photos et à inscrire sa volonté de “révéler” la beauté invisible de ces lieux cachés. Ses clichés ressemblent tantôt à des natures mortes abstraites et modernes, jouant avec les couleurs et la géométrie, tantôt à des images de reportage. Geert Goiris explique son projet :

“En adoptant un style cinématographique et suggestif, je propose une narration ouverte qui oscille entre familiarité et aliénation, découverte et fabulation. Peak Oil tente de remettre en question et de modifier les modes conventionnels de représentation de l’industrie. Ce projet souhaite attirer l’attention sur la place du corps dans l’environnement industriel, et sur la manière dont un paysage fait d’acier et de béton influence les gestes de ceux qui l’habitent.

Ces sites fonctionnent 24 heures sur 24 sous constante surveillance. La lumière artificielle garantit une visibilité en toutes circonstances et investit les navires, conteneurs, pipelines, wagons, camions et autres moteurs d’une présence fantastique, tels des éléments interdépendants d’une superstructure qui semble fonctionner toute seule. C’est comme si quelqu’un observait un moteur complexe et se sentait bouleversé bien qu’il n’en comprenne pas les principes ou le mécanisme.”

Concernant l’esthétique, le photographe a opté pour une sous-exposition qui se marie bien avec la tension dégagée par tous ces mastodontes d’acier et qui crée ainsi une cohérence visuelle. Habitué à photographier des paysages, Geert Goiris en a fait de même avec ces squelettes de fer : ils deviennent des paysages urbains vides et énigmatiques, sans réelle trace humaine.

“Peak Oil”, exposition au Frac Normandie Rouen et installations dans le port de Rouen jusqu’au 14 janvier 2018. Peak Oil fait également l’objet d’un livre paru chez Roma Publications.