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Face à une polémique raciste, Martin Parr renonce à la direction d’un festival photo

Face à une polémique raciste, Martin Parr renonce à la direction d’un festival photo

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© Tolga Akmen/AFP

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Par Lise Lanot

Publié le

Le photographe britannique a confié être "mortifié" d'avoir laissé passer des images racistes dans un livre qu'il avait préfacé.

Suite à une polémique raciste le concernant, Martin Parr a annoncé démissionner de son poste de directeur artistique du festival photographique de Bristol. Le photographe britannique a préféré se retirer de l’événement, afin que sa “présence ne constitue pas une distraction des magnifiques travaux exposés par les artistes du festival”. Ce retrait fait suite aux excuses du photographe pour avoir pris part à un projet présentant des images racistes, il y a trois ans.

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En 2017, il écrivait l’introduction de la réédition de London, un ouvrage publié pour la première fois en 1969 par le photographe italien Gian Butturini et “édité par Martin Parr”, comme l’indiquait la couverture. À l’intérieur du livre dédié à la vie londonienne se trouve une double page présentant, à gauche, la photo d’une femme noire et à droite, face à elle, l’image d’un gorille en cage dans un zoo de la capitale.

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“Absolument horrifiée et consternée en voyant cette double page dans un livre sur Londres, édité par Martin Parr. Il est temps de faire face à ce racisme crasse présent dans la photographie britannique. Impliquez-vous dans le #LessThanHumanDebate.”

L’année dernière, l’étudiante londonienne Mercedes Baptiste Halliday partageait sur son compte Twitter (dédié à la représentation des personnes noires dans le milieu de la photographie) cette découverte. Elle rappelait à Martin Parr à quel point il était difficile de fermer les yeux sur le racisme de cette double page, tant “la comparaison entre les femmes noires et les singes et gorilles était un trope raciste bien connu”.

“Je veux m’éduquer et changer”

Depuis mai 2019, Mercedes Baptiste Halliday a lancé une campagne à ce sujet, afin que ce genre d’images racistes ne soient plus monnaie courante dans le monde de l’art. Le photographe est entré en contact avec la jeune femme, affirmant le caractère raciste de cette juxtaposition et son regret de l’avoir “laissé passer” :

“J’ai beaucoup pensé à mon implication dans ce livre et la responsabilité que j’ai en tant que figure publique. Bien que je n’aie pas apporté de modifications au livre, je suis d’accord avec le fait que je doive accepter une part de responsabilité pour cette édition, puisqu’il est indiqué sur la couverture que je l’ai éditée. J’ai écrit à la maison d’édition pour qu’elle arrête la production de l’ouvrage.

J’ai honte que cette juxtaposition raciste ait été ignorée. Crois-moi, c’était une erreur et j’en suis sincèrement désolé. Cela ne constitue pas une excuse, mais je suis un homme blanc de bientôt 70 ans et c’est avec beaucoup de regrets que je me rends compte que j’ai parfois failli à voir les choses selon une autre perspective que la mienne. Je veux m’éduquer et changer et j’espère utiliser ma position et mon influence pour apporter du bon. Je suis vraiment sincèrement désolé”, a-t-il écrit à Mercedes Baptiste Halliday.

Le photographe britannique Martin Parr pose lors d’un événement presse avant son exposition “Only Human” à la National Portrait Gallery de Londres, le 6 mars 2020. (© Tolga Akmen/AFP)

Le photographe a annoncé faire don des 1 000 euros reçus pour la rédaction de la préface à une association choisie par l’étudiante. Cette dernière a proposé plusieurs associations caritatives travaillant “dans les communautés noires”, à l’instar de Black Minds Matter, The Black Curriculum, Exist Loudly Fund et Stephen Lawrence Charitable Trust.

Des excuses officielles

Martin Parr a également publié des excuses officielles sur son site, confiant qu’il se sentait “mortifié d’avoir fait la promotion de [ces images] en offrant [son] soutien à ce livre”. La semaine dernière, Mercedes Baptiste Halliday s’est, quant à elle, réjouie du fait que Martin Parr, en plus de s’excuser, se retire du Bristol Photo Festival, tel que le rapporte le Guardian : “Cela prouve que faire campagne et faire entendre ses critiques peut vraiment permettre de démanteler le système.”

En parallèle de cette victoire, le cinéaste Benjamin Chesterton (soutien de la campagne de Mercedes Baptiste Halliday) s’est interrogé sur “pourquoi il incombe à une étudiante noire de faire face à l’un des plus éminents photographes et curateurs britanniques”. La nouvelle génération se rend compte du pouvoir qu’elle possède. Les étudiant·e·s en art de l’université de Bristol ont d’ailleurs annulé leur venue à l’exposition ayant lieu annuellement à la fondation Martin Parr, qui se trouve, pour le moment, le bec dans l’eau.