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Pourquoi cette campagne photo britannique sur les cyber-carrières fait-elle polémique ?

Pourquoi cette campagne photo britannique sur les cyber-carrières fait-elle polémique ?

Image :

© Krys Alex/Gouvernement britannique

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Par Lise Lanot

Publié le

En cette difficile période épidémique, la campagne est jugée "grossière" et la photographe s'y oppose.

En 2019, le gouvernement britannique lançait “Cyber First”, une campagne promouvant les cyber-carrières. Le slogan “Rethink. Reskill. Reboot” incitait la population à envisager une nouvelle trajectoire professionnelle. Une photo de cette campagne fait grand bruit depuis début octobre, à cause de son message qui semble condamner les métiers artistiques. 

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L’image présente “Fatima”, une danseuse classique en train de nouer ses pointes. Le gouvernement nous prévient que son “prochain job pourrait être dans le cyber (mais [qu’]elle ne le sait pas encore)”. Sachant comme les métiers de l’art et de la création souffrent en ces temps d’épidémie, le message est mal passé auprès des internautes et des personnes concernées, comme si les artistes devaient désormais changer de voie pour s’assurer un revenu. Le réputé chorégraphe anglais Matthew Bourne a partagé l’image sur son compte Twitter en questionnant ses abonné·e·s : “C’est forcément une blague, non ?”

“Le prochain job de Fatima pourrait être dans le cyber (mais elle ne le sait pas encore).” La campagne “Cyber First” du gouvernement britannique, utilisant la photo de Krys Alex.

La polémique a également pris de l’ampleur depuis que la photographe autrice de l’image a affirmé son mécontentement face à l’angle donné à son travail. Krys Alex avait partagé sa photo sur Unsplash, une plateforme de photos libres de droit.

En laissant son œuvre voguer dans le monde des licences libres, l’artiste originaire d’Atlanta prenait le risque qu’elle soit réutilisée dans des conditions qu’elle n’approuvait pas forcément – et c’est bien ce qui est arrivé. “Si j’avais su que [ma photo] allait être utilisée de la sorte, je n’aurais jamais accepté”, a-t-elle assuré dans une vidéo

“Je me sens concernée [par cette polémique] en tant qu’artiste indépendante de la communauté artistique. L’épidémie nous a vraiment fortement touché·e·s. Ce n’est pas facile de trouver du travail, surtout en tant que femme noire, à l’heure où tant d’injustices raciales ont lieu. C’est vraiment dur.”

La photo originale de Krys Alex, montrant Desire’e et sa professeure Tasha Williams. (© Krys Alex/Unsplash)

La photographe “dévastée”

La photographe s’est dite “dévastée” et désolée pour la modèle photographiée, une jeune danseuse du nom de Desire’e. L’image originale montrait, dans son dos, sa professeure de danse Tasha Williams. Sur le compte de son école, la danseuse a partagé sa déception de voir ce genre de messages inlassablement repris : 

“Je me souviens d’avoir grandi en entendant : ‘La danse est un art, ce n’est pas une carrière, juste un passe-temps, sois sûre de te trouver un vrai boulot et danse pendant ton temps libre.’ Cette campagne britannique m’a ramenée […] à mes 11 ou 12 ans, quand j’avais l’impression que je devais être quelqu’un d’autre et ignorer mon énergie créative pour satisfaire ce que ‘les autres’ voyaient comme une vie productive.”

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Oliver Dowden, secrétaire d’État au Numérique, à la Culture, aux Médias et au Sport, s’est publiquement désolidarisé de la campagne, rapporte Dazed. “À tous ceux qui tweetent sur #Fatima. Cela ne vient pas du ministère […] et je trouve [cette campagne] grossière. Il s’agissait d’une campagne partenaire encourageant des personnes de tous horizons à penser à une carrière dans la cyber-sécurité. Je veux sauver les métiers artistiques, c’est pour cela qu’on y investit 1,57 milliard de livres sterling.”

Les réponses à son tweet sont bien majoritairement sceptiques. De son côté, Krys Alex a assuré “exploré toutes les options […] concernant la protections de [ses] droits dans cette situation”. Il semble malheureusement que la photographe ne puisse pas faire plus que de montrer sa désapprobation, sachant qu’elle a cédé ses droits en publiant sa photo sur Unsplash.