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Que racontent les œuvres d’art revisitées dans le dernier épisode d’Euphoria ?

Que racontent les œuvres d’art revisitées dans le dernier épisode d’Euphoria ?

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© Frida Kahlo ; HBO

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Par Lise Lanot

Publié le

Petit cours d’histoire de l’art d’après les œuvres réinventées par Rue et Jules.

“Je ne pense pas que vous compreniez à quel point j’aime Jules”, confie Rue au début du quatrième épisode de la saison 2 d’Euphoria. Afin que le public se rende davantage compte des sentiments qui animent le personnage campé par Zendaya, la première séquence de l’épisode est rythmée par les images mentales qui occupent son esprit.

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Rue voit son couple prendre les traits de mythiques œuvres d’art, picturales et cinématographiques. En plus de rejouer des scènes tirées des films Ghost, Titanic, Blanche-Neige et les Sept Nains ou encore Brokeback Mountain, les deux actrices recréent La Naissance de Vénus de Sandro Botticelli, une photo de Yoko Ono et John Lennon prise par Annie Leibowitz, Les Amants de René Magritte ainsi qu’Autoportrait en Tehuana ou Diego dans mes pensées de Frida Kahlo.

© HBO

Replacées au cœur d’une série prisée par la génération Z, ces œuvres s’offrent un nouveau souffle, d’autant qu’elles sont réimaginées via les traits d’une actrice transgenre et d’une actrice métisse. Pour aller un peu plus loin, nous vous proposons de conter les histoires derrière chacune de ces œuvres.

La Naissance de Vénus de Sandro Botticelli, 1484-1485

Entre 1484 et 1485, Sandro Botticelli s’attelle à la réalisation d’une immense toile qui restera l’un de ses travaux les plus célèbres. Inspiré par la noble italienne Simonetta Vespucci (considérée comme la plus belle femme de son époque et modèle posthume récurrente du peintre), Botticelli met à l’honneur la déesse de l’amour, de la séduction et de la beauté.

Sandro Botticelli, La Naissance de Vénus, 1484-1485. (© Galerie des Offices de Florence)

La jeune femme arrive sur la terre ferme, poussée par le souffle venant de l’ouest de Zéphyr et attendue par une Heure (une des filles de Zeus) qui s’apprête à recouvrir sa nudité d’une cape. Aussi calme et paisible que la mer d’huile qui a fait voguer sa coquille, Vénus semble imperturbable tandis que tous les regards, et la composition triangulaire du tableau, convergent vers elle.

En visualisant sa compagne sous les traits du sommet de la représentation de la beauté et de l’amour dans l’histoire de l’art occidentale, Rue fait de Jules une figure quasi surnaturelle, divine.

John Lennon et Yoko Ono, par Annie Leibovitz, 1980

En 1980, la photographe à succès Annie Leibovitz crée une de ses images les plus emblématiques en présentant une femme habillée et son compagnon nu. Sur ce sol blanc, il ne s’agit cependant pas de n’importe quel couple, ni de n’importe quelle époque. La photographie, qui fera la couverture du magazine Rolling Stone, est une des dernières prises du chanteur des Beatles, en compagnie de Yoko Ono. Cinq heures après la séance photo, John Lennon est tué par un fan.

Des années plus tard, la photographe s’est épanchée sur cette rencontre, témoignant de la satisfaction du musicien quant à cette image devenue iconique :

“Ce qui est intéressant, c’est que [Yoko] a dit qu’elle enlèverait son haut et j’ai dit : ‘Non, garde tout’ – sans vraiment penser à quoi que ce soit de particulier. Puis, [John Lennon] s’est blotti contre elle et c’était tout de suite très, très fort. On ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’il avait froid et qu’il avait l’air de s’accrocher à elle. C’était génial de regarder le premier Polaroid ensemble, ils étaient tous les deux très enthousiastes. John m’a dit : ‘Tu as parfaitement capturé notre relation. Promets-moi que cette image fera la couverture.'”

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En choisissant cette photographie et ce couple en particulier, c’est la relation d’interdépendance entre les deux femmes qui est mise en avant. Petite modification apportée à la scène originale : Rue regarde amoureusement sa compagne, tandis que Yoko Ono baissait le regard, les yeux dans le vide.

Les Amants I de René Magritte, 1928

René Magritte, Les Amants I, 1928. (© Museum of Modern Art)

En 1928, René Magritte réalise une série de quatre tableaux similaires, portant le même nom et numérotés de I à IV. Chacun représente le même couple, côte à côte. La première variation du tableau est la plus célèbre : le couple s’y embrasse langoureusement, leurs têtes recouvertes d’un voile.

Si certain·e·s rapprochent le motif du voile à celui qui a été retrouvé sur le visage de la mère de l’artiste après son suicide, on peut aussi y voir (lorsqu’on n’a pas la biographie du peintre en tête) une représentation du couple qui se voile (littéralement) la face, aveuglé par l’amour et le désir.

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On peut aussi imaginer que les deux amant·e·s s’aiment (ou croient s’aimer) sans véritablement se connaître – à l’image de Jules qui refusait de voir que Rue avait de nouveau sombré dans son addiction aux narcotiques ?

Autoportrait en Tehuana ou Diego dans mes pensées de Frida Kahlo, 1943

Frida Kahlo débute son Autoportrait en Tehuana en 1940, alors qu’elle a divorcé de son mari, Diego Rivera. La peintre mexicaine a appris que son époux l’avait trompée avec sa sœur, Cristina, ce qui la peine affreusement. Malgré la douleur, l’artiste ne peut s’empêcher de penser à Diego, de façon si obsessionnelle qu’il paraît presque gravé dans sa tête, tel que l’illustre cette toile.

Frida Kahlo, L’autoportrait en Tehuana ou Diego dans mes pensées, 1943. (© Frida Kahlo)

Frida Kahlo s’y représente le regard fixe, vêtue d’une robe traditionnelle Tehuana – habits qui composent la majorité de sa garde-robe. Perdu dans la masse de sa robe, son visage est entouré d’une multitude de fils rappelant ceux, qui collent et piègent, de l’araignée.

Dans la version de Rue, c’est elle-même qui peuple les pensées de Jules. Au contraire de Frida Kahlo, l’actrice finit par sourire, de toutes ses dents, représentant l’espoir de Rue que tout se passe bien dans son couple.

© HBO

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